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À cause d’un baiser – Brigitte Kernel

Publié le 09 janvier 2012 par Noann

« Peut-on aimer deux personnes à la fois ? », telle est la question déployée sur la traditionnelle bannière. À brûle pourpoint, j’ai répondu sans hésiter : « oui certainement ». J’en étais convaincu en tant qu’homme, oui on peut aimer deux personnes, deux femmes, deux hommes, voire une femme et un homme. Mais ici, l’auteure se place dans un contexte particulier. La question est plus épineuse. Son personnage, qu’on sent très personnel, assez auto-biographique, vit avec Léa depuis trois ans. Un jour elle fait la rencontre de Marie… Une rencontre coup de foudre, qui aboutit à un long baiser… La voilà aussitôt prise d’un immense remords. Où va la mener cette incartade ? Aime-t-elle Marie ? Mais surtout, il y a Léa, pour qui elle avait tout abandonné, pour qui elle avait quitté Olivier, au grand désarroi de ses parents. Il y a Léa plus que tout, un amour immense, un puits d’amour sans fond. Et à présent, il y a aussi Marie. Et même si elle se promet de ne plus la revoir, le cœur dépasse souvent la raison, la transcende parfois…

Elle décide de dévoiler son incartade à Léa. Celle-ci le prend de façon tragique. La douleur s’immisce dans le cœur de Léa, un réseau de petites fissures. S’agissait-il d’un seul baiser ? Y a-t-il eu une relation intime ? Trois années de complicité viennent d’éclater. Même si l’aveu de ce baiser pourrait être pris comme de la franchise, le doute s’est infiltré en Léa. D’abord furieuse, elle décide de passer outre, apparemment. Elles partent toutes deux comme prévu en Norvège pour des vacances planifiées depuis longtemps. Léa-Marie, Marie-Léa. Une confusion terrible s’empare de leurs cœurs et de leurs âmes. Les deux femmes se mettent en quête de vérité, avec beaucoup de douleur. Marie reste très présente. Personne n’est plus sûr de rien, les sentiments se font et se défont. Le couple femme-femme va-t-il résister aux douleurs de la méfiance ? La réponse à cette question ne viendra que dans les toutes dernières lignes. Peut-on aimer deux personnes à la fois ? J’en étais convaincu, les deux héroïnes de ce roman se poseront cette question lancinante tout au long de leur reconstruction, sans forcément trouver la réponse idéale.

À cause d'un baiser

Par une écriture sobre, tout empreinte de sensibilité, l’auteure nous conduit dans les pensées intimes de deux femmes en perdition, à la recherche d’elles-mêmes, dans un prisme amoureux et sensuel qui évolue au cours du temps, sans jamais aboutir à la figure idéale, si ce  n’est par le drame. Le style décrit parfaitement les états d’âmes du couple féminin-féminin, avec de longues introspections, des questionnements sans fin, des tirades sentimentales. L’impression de lire une longue plainte, une suite d’incantations sur trois cents pages. Trois cents pages de « je t’aime Léa », « comprends-moi Léa », « pardonne-moi Léa »… Jusqu’à la suffocation. Les lignes de Brigitte Kernel sont toutes tristes à mourir, triste à en pleurer toutes les larmes de son corps. Le lecteur est dévasté et parcours cette ode à l’amour féminin suffoqué, espérant une issue, un dénouement, ou un nouvel événement qui va relancer cet amour fou. Mais durant tout ce cheminement, ce sont toujours les mêmes griefs et désolations qui reviennent, comme des vagues immenses. L’ensemble apparait très nostalgique, sombre et chaleureux à la fois, triste parce qu’on a envie qu’un amour si fort survive, alors qu’il se défait sans cesse, pour ne reprendre que du bout des lèvres. Est-ce qu’un chaos pareil, si long et si dense, peut vraiment survenir « à cause d’un baiser » ? Peut-on vraiment en vouloir à ce point à une personne qui commet un petit écart et qui l’avoue ? Léa parait décidément bien compliquée et exigeante, mais sans doute faut-il voir dans son attitude l’expression d’une passion dévastatrice. Léa a aimé une autre femme, Louise, morte à présent. Elle en est restée écorchée… La nouvelle blessure que lui inflige sa compagne est une plaie dans la plaie, insupportable. Ce roman exprime à merveille tout l’amour qu’une femme peut vouer à une femme, infini, à en perdre la raison, et à quel point un cœur meurtri peut se montrer cruel…

« Cinq minutes ont passé, elles m’ont semblé durer un siècle, c’était étrange, le corps même de Léa paraissait ne plus être adapté au mien, c’était un peu comme si une pièce n’entrait pas dans le puzzle, je ne me sentais plus adaptée, j’étais en contrée connue autrefois, un terrain devenu soudain étranger, une transformation avait eu lieu en ma profondeur, l’empreinte du corps de Marie avait pris toute la place. »

À cause d’un baiser de Brigitte Kernel. Éditions Flammarion

Date de parution : 08/01/2012  

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