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Chili : les livres d'histoire censurés

Par Anthony Quindroit @chilietcarnets

Chili Pinochet 11 septembre 1982

Pinochet, ici le 11 septembre 1982 au Chili, dirigeait-il une dictature ou un régime militaire ? Le ministère de l'Education chilien veut modifier la dénomination (photo DR Wikimédia commons Ben2)

11 septembre 1973. Les avions militaires chiliens bombardent le palais présidentiel La Moneda, les militaires arrêtent les “dissidents”, le président Salvador Allende se suicide. Les prisonniers politiques sont torturés voire tués. Le général Augusto Pinochet, appuyé par les Etats-Unis, prend la tête du pays. Le gouvernement démocratique est renversé. Le pouvoir militaire se met en place. Autoritaire, sans liberté de penser, répressif. La dictature est en place.
Sauf que, maintenant, au Chili, il ne faudra plus dire “dictature” mais “régime militaire”. C’est du moins ce que devraient apprendre les jeunes chiliens dans les nouvelles éditions des livres d’histoire.  
Au Chili, l’annonce d’abord passée inaperçue (les faits datent du 9 décembre), est finalement arrivée sur la place publique en ce début 2012. Et a provoqué une réaction épidermique dans les associations de défense des droits de l’Homme, dans la gauche chilienne et même dans une bonne partie de la droite. Nombreux sont ceux qui y voient une intervention de la droite dure pour donner une autre image du passé. Le soufflé est un peu retombé et la proposition sémantique pourrait ne pas entrer en vigueur. Toutefois, pour tenter de la défendre ou, au moins, d’atténuer les cris d’orfraie des nombreuses personnalités opposées à ce passage de “dictature” à “régime”, quelques voix proposent une version allégée de la proposition, comme le ministre de la Justice Teodoro Ribera :

  • “Il y a eu dictature, de 1973 à 1981,  et régime militaire de 1981 à 1990″

Et le ministre d’expliquer son raisonnement :

  • “Il y a eu rupture de la constitution en 1973. En 1981, une nouvelle constitution, impulsée par Pinochet est entrée en vigueur au Chili, ce qui lui a donné un nouveau statut.”

La tentative d’explication, bien qu’argumentée, ne trouve pas vraiment d’écho. Mais pour beaucoup, le problème de langue n’en est pas un. A partir du moment où les faits ne pourront pas changer : plus de 3200 morts et disparus, quelque 37000 cas de tortures et de détentions…
Dans l’édition de ce lundi 9 janvier 2012 de Las Últimas Noticias, l’éditorialiste Roberto Merino tranche dans le vif :

  • “On en perd du temps avec ce débat. Les deux expressions vont devenir synonymes. Je ne vois pas le problème à changer “dictature” en “régime”. On pourra toujours dire que durant le régime militaire, on a pratiqué la torture, on a assassiné lâchement, on n’a jamais rendu les corps aux parents, on a administré par la terreur, on a donné le pouvoir à des gens qui avaient toutes les caractéristiques de psychopathes, on a pratiqué la désinformation et incité à la délation, sans oublier toutes les autres abjections que nous connaissons. C’est la réalité et ça ne sera pas altéré par un maquillage verbal.”

Le poids des mots contre le poids de l’Histoire ?

 

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