Le petit maître n'est pas à l'abri de l'indigence. La
petite-maîtrise n'a jamais été l'apanage d'une classe. C'est avant tout une histoire de goût. On peut être dans du dénuement et avoir une âme de petit-maître. Le manque d'argent peut aussi être
contourné par le style.
Photographie : J'aime particulièrement cette gravure de la première moitié du XIXe siècle
de Le Bon Genre (N° 104). Elle est intitulée
« Luxe et Indigence » et représente une petite maîtresse
pauvre dans son intérieur. Celle-ci possède une jolie robe, un beau
chapeau, quelques parures en or, une paire de chaussures délicates, un ensemble de nuit (déshabillé, bonnet et coussin) particulièrement fin, et un châle ouvragé qui lui
sert de rideau. Un bougeoir à la mode en porcelaine et orfèvrerie est posé près d'un livre sur deux boîtes de vêtements dans
lesquelles se trouve sans doute toute la suite de ses biens. Le reste dénote un grand dénuement : une chaise, un tabouret, un lit pliant, des draps et une couverture rudimentaires, un miroir
très simple … pas même de quoi suspendre sa robe et son chapeau. La beauté de son
visage, la blancheur et délicatesse de son corps (poitrine et une main aussi visibles), le luxe de ses quelques affaires, contrastent avec la pauvreté de sa situation. Le peu de choses qu'elle
possède sont de qualité. Présentée dormant avec sur sa glace une lettre et un ticket de bal, on peut supposer qu'elle est riche aussi de beaucoup de rêves.
© Article et photographies LM