Magazine Asie
Et hop, en alternance au projet photo Abécédaire, voici Japonisme, un travail également mené en collaboration avec Viny et Anne, qui choisit les thèmes. Plus personnel et plus artistique, ce projet est né de notre amour commun pour le Japon et surtout des commentaires récurents trouvant nos photos très japonaises.
Anne nous a déniché une jolie expression pour bien commencer l'année 初日の出 hatsuhi no de, le premier lever de soleil.
Au Japon, on fête plus le premier janvier que le réveillon de la St-Sylvestre. C'est en effet le jour où l'on se rend au temple ou au sanctuaire pour se purifier, prier, et surtout, désireux de connaître les prédictions sur la santé, le travail... Les plus motivés passent même la nuit sur place, bien emitouflés dans leurs manteaux et cache-nez. Des stands proposent des charmes, on y boit le premier saké aux vertus médicinales, et de l'amazake pour les plus jeunes.
Avec sa famille, ses amis, on attends ainsi, transis de froid, le premier lever du soleil. Dans les sanctuaires réputés, au bords de la mer ou dans les montagnes, des foules se pressent pour admirer le spectacle. Même au cœur de Tokyo, le rituel est immuable. Il faut attendre parfois plusieurs heures avant de pouvoir honorer les dieux.
Je vis à Paris. Et à Paris, le soleil se lève aussi.
Je l'avais presque oublié. A chaque fois que je quitte la ville, j'essaye de profiter d'un lever ou d'un coucher de soleil. Je me repais de cette contemplation tranquille comme d'un calmant à effet persistant.
Et pourtant, à Paris, le soleil se lève aussi. A 8h44.
Hatsuhi no de. Pas vraiment, puisqu'il s'agit d'un énième soleil du mois de janvier. Le soleil du samedi 14. Le premier vrai soleil d'hivers quand les températures sont enfin tombée sous zéro dans la capitale. J'ai voulu grimper sur un ban tout givré et, si la Moustache ne m'avais pas rattrapé, nul doute que j'aurai terminée mal en point.
Pour cette première sortie hivernale, le ciel avait fait le ménage. Un grand bleu froid à perte de vue, tout juste tâcher par la lumière maladive des lampadaires, une brume légère et les fumées des cheminées. Nous sommes monter en haut de la butte de Montmartre. La volée d'escalier aussi usées et réputé que celle d'un sanctuaire célèbre, mais sans les torii. En haute, la grosse meringue immaculée du Sacré-coeur domine, de sa tourismissime présence.
D'en haut, la ville ressemble à un champs gris bleu d'où saillent quelques tours et flèches. Des millions d'humains vivent ici. Un petit quart d'heure d'attente. Nous sommes gelés. J'ai les mains si engourdies que j'ai même du mal à appuyer sur le déclencheur. Le paysage valait bien de quitter sa couette à une heure indécente pour un samedi matin. Les joues piques et les doigts brûlent.
Enfin, le soleil se pointe. Un orange saisissant qui envahi quelques instants les cieux complaisants. Quelques minutes à peine et l'ordre du grand bleu reprends son hégémonie. La journée commence, il est temps de rentrer.
Copyright : Marianne Ciaudo