Steven Spielberg. Un nom qui à lui seul évoque un imaginaire cinématographique riche comme peu de cinéastes peuvent se targuer d’avoir créé. Une filmographie Hollywoodienne presque sans équivalent, dont on a tous vu une bonne partie au fil des ans. Je fais partie d’une génération qui a grandi en considérant Spielberg comme le grand réalisateur américain de son temps. Celui dont le nom est synonyme de Hollywood par essence. Celui dont il fallait voir les films pour être à la page, que ce soit ceux qu’il réalisait ou ceux qu’il produisait. Celui dont on regardait les films en boucle sur le magnétoscope, jusqu’à ce que la VHS rende l’âme.
Combien de ses films ont ainsi égayé la télévision du salon dans mon enfance et mon adolescence ? Combien de fois ai-je regardé Indiana Jones et le Temple maudit en cachant mes jeunes yeux lorsque la scène du sacrifice arrivait et que le cœur était arraché ? Combien de fois ai-je cauchemardé que les dinosaures revenaient à la vie ou que les requins me guettaient dans l’Atlantique ? Si Spielberg est un cinéaste de l’enfance par les thèmes de ses films (d’une large partie en tout cas), c’est aussi le cinéaste de mon enfance. Alors qu’une rétrospective intégrale lui est consacré en ce moment à la Cinémathèque Française, je me suis demandé quel était donc le premier de ses films que j’avais vu au cinéma. Ai-je vu sur grand écran à l’époque Indiana Jones et la Dernière Croisade ? Peut-être Always ?
Le plus vieux dont je me souvienne avec certitude, j’en ai déjà parlé dans les pages de ce blog, c’est Hook, ou la revanche du Capitaine Crochet. Le seul que je n’ai pas vu au cinéma depuis, c’est La Liste de Schindler, en même temps j’avais douze ans à sa sortie, pas forcément l’âge idéal pour être le spectateur d’un drame sur la Shoah de plus de trois heures en noir et blanc. Voici donc que la Cinémathèque Française m’offre (façon de parler, mon porte-monnaie va devoir parler) ces jours-ci de pouvoir découvrir sur grand écran les films de Spielberg que je n’ai vu qu’à la télé, et si je le souhaite de revoir aussi les autres. Donc de pouvoir ressentir ce que procure le fait de voir les films qu’il a réalisés avant Hook dans une salle de cinéma (bon Rencontres du 3ème Type, je l’ai déjà vu deux fois au cinéma, je pourrai m’en passer).
Mais avant de partir sur les traces de l’Arche perdue avec Indiana Jones ou d’appeler la maison avec E.T., il est un film qui me tenait particulièrement à cœur de voir : le seul long-métrage réalisé par Spielberg que je n’avais jamais vu, ni en salles ni à la télé, son tout premier (si l’on considère Duel comme un téléfilm) : The Sugarland Express. Ce millésime 1974 avait pour héroïne une toute jeune Goldie Hawn faisant évader son mec de prison pour qu’ils aillent récupérer leur bébé confié à une famille d’accueil, avec un flic en otage et toute la police du Texas leur collant aux basques.
Dans le hall de la Cinémathèque, je croisai l’homme au chronomètre, et si la grande salle Langlois n’était pas loin d’afficher complet, je m’étonnais de ne pas y trouver l’homme aux sacs plastiques (il devait être en salle Franju !). En découvrant le film, je me rendis compte que je connaissais à peine son pitch. Un an avant de créer le blockbuster d’été avec Les dents de la mer, Spielberg gambadait à travers le Texas avec ses fugitifs, qui au lieu d’être des criminels à abattre comme c’était régulièrement le cas dans le cinéma de l’époque (Badlands, au hasard...) n’étaient que de grands adolescents peu conscients de leurs actes et embarqués dans une cavalcade dont ils ont du mal à garder le contrôle (quoi qu’on pourrait résumer ceux le parcours de ceux qui tuent de la même façon…).
Déambulation plus comique que tragique à travers la campagne texane, The Sugarland Express se teintait de mélancolie lorsque la réalité policière rattrapait ce couple idéaliste et naïf qui n’était pas armé pour aller jusqu’au bout de leur quête folle.Alors c’est comme ça, que tout a commencé avec Spielberg… Bien pensé, drôle, fin et très ancré dans son époque, Sugarland Express a beau être des moins célèbres films de son réalisateur, il n’en est pas moins une œuvre consciente et ludique qui laissait présager une belle carrière. Même si une carrière comme celle de Spielberg défie l’imagination et que personne probablement ne se doutait à l’époque que ce jeune réalisateur de moins de 30 ans deviendrait le plus populaire de sa génération. Mon voyage à travers la carrière de Spielberg ne fait je l’espère que (re)commencer à la Cinémathèque. Je m’y baladerai encore quelques fois, c’est certain…