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Le visage de Standard & Poor’s

Publié le 17 janvier 2012 par Plugingeneration @Plug_Generation

La crise financière et la crise de la dette souveraine ont mis sur le devant de la scène mondiale une nouvelle institution : l’agence de notation. Son but est d’évaluer des collectivités ou des entreprises selon certains critères. Ce marché de la notation n’est pas récent puisqu’il se développa peu après l’apparition des premiers marchés financiers aux USA ; on considère The Mercantile Agency comme la première société d’analyse financière de crédit.
Cependant, certaines pratiques des agences de notations sont remises en cause depuis le scandale Enron et, surtout, la crise des subprimes. Il ne s’agit pas ici de critiquer l’aspect financier ou économique des agences, ni même les conséquences sociales de leur activité, mais plutôt leur aspect communicationnel.Les agences de notation sont rentrées dans le débat public car leur impact est très important sur les politiques menées par les Etats. De la sphère purement financière, elles sont passées dans la sphère politique, puisqu’elles ont une influence dans le déroulement de la vie de la cité. Or, il y a un fait troublant pour nos sociétés démocratiques : ces agences n’ont pas de visage humain

Toute personne entrant sur la scène de débat public y apparaît à visage découvert. Dès que l’action d’une entreprise a des retentissements sur la vie de la cité, un responsable est désigné. Lors d’une grève SNCF, Guillaume Pépy intervient sur les plateaux TV ; lors de la chute de Vivendi, la figure de Jean-Marie Messier ; aux USA, la crise des subprimes a eu un visage, celui de Richard S. Fuld Jr, dernier PDG de Lehman Brothers.

Le visage est un élément important de la vie en démocratie. Il est la première chose que les autres voient de nous, il est ce avec quoi on s’exprime le plus (parole, regard…). Il est ce par quoi les autres nous reconnaissent comme membre de la société. Il est ce par quoi nous sommes reconnus comme être humain. Les agences de notation agissent sur la société mais sans aucun visage. La communication ne se fait que par communiqué de presse. On ne sait pas qui sont leurs dirigeants, ni qui sont leurs analystes. Quels Français sait à quoi ressemblent les membres de Standard & Poor’s qui ont noté la situation financière de leur Etat ? Peu importe que l’activité de ces agences soit juste, elles ont un impact sur notre vie, et n’ont pour l’instant rien d’humain, puisque les seules images que nous avons d’elles sont des buildings sur lesquels leur nom sont inscrits. Il n’est donc pas anormal d’avoir l’impression de voir nos vies suspendues aux décisions prises par des tours de verre, et d’en ressentir une légère angoisse.
Le visage est important dans notre société car il nous rassure sur l’humanité – du moins supposée – de ceux qui ont une influence sur nos vies. Il y a un siècle, un arpenteur récemment engagé dans un village voulait rentrer dans le château des fonctionnaires afin d’officialiser son statut, mais ce château lui demeurait inaccessible et il ne rencontra jamais la bureaucratie qui déterminait son existence. Pas sûr que la situation de K. soit plus absurde que la nôtre.


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