C’était un lundi soir aux Halles. Je venais de prendre ma place pour Une nuit de Philippe Lefebvre et devant la demi-heure qui me restait avant le début de la séance, j’avais décidé de flâner dans le forum. Tout s’est passé très vite, lors de mon retour vers le cinéma une fois la demi-heure presque écoulée.
J’étais déjà passé plus tôt devant le Forum des images et une petite foule commençait alors déjà à s’y amasser. A l’évidence, une soirée spéciale, une avant-première, quelque chose se tramait. Lorsque je repassai donc finalement devant, en route vers Une nuit qui m’attendait au bout de l’allée, je me frayai un chemin entre les invités sapés plus classes les uns que les autres (« C’est sûr, y a de l’avant-première dans l’air ma parole… »), lorsque le temps s’est suspendu quelques instants qui dureront des heures dans ce billet et dans mon souvenir.
J’étais là, juste en face de l’entrée du Forum lorsque mon regard fut attiré par l’acteur Eriq Ebouaney. Ah tiens je le connais, lui, pensais-je alors, et tandis que je commençais à chercher dans un recoin de ma mémoire son nom, une jeune femme qui se trouvait entre lui et moi, de dos, s’est retournée et a planté son regard dans le mien, sourire aux lèvres. La scène a eu beau ne durer que deux secondes tout au plus, elle s’est déroulée au ralenti, le temps que je remarque ces yeux de braise se posant sur moi, le temps que je reconnaisse ceux de la magnifique Aïssa Maïga, que mon cœur fasse un bond dans ma poitrine en la reconnaissant, et qu’il en fasse un deuxième en réalisant qu’Aïssa et moi étions en train d’échanger un regard d’une intensité digne de Steve McQueen et Faye Dunaway dans L’affaire Thomas Crown. Le temps est ainsi resté suspendu jusqu’à ce que je passe devant elle et qu’elle se retourne vers ses camarades. Dans les secondes qui suivirent, j’avais réussi à me persuader que le regard qu’elle m’avait lancé était plein de désir, à l’évidence, et belle et sculpturale qu’elle était dans sa robe de soirée, nul doute que d’autres auraient été déstabilisés d’avoir perçus le désir chez mademoiselle Maïga.
Mais ma fidélité et ma détermination à voir Une nuit, le beau film de Philippe Lefebvre, m’ont éloigné d’Aïssa, qui j’en étais certain devait se morfondre de me voir ainsi m’éloigner d’elle. Je ne la voyais déjà plus, mais elle devait avoir le cœur brisé de me voir ainsi m’éloigner sans un mot. Certains tenteront de me raisonner et de me faire croire que je n’ai été qu’un visage dans la foule pour elle, qu’elle m’a oublié aussi vite qu’elle m’a aperçu. Hum hum… maintenant que vous me le dites… bon d’accord je me suis peut-être un peu emballé sur cette histoire. Bon d’accord, sûrement. Mais c’est ainsi que je me remémorerai de l’anecdote lorsque je repenserai à Une Nuit (très bien, au passage), ou que je reverrai Aïssa Maïga au cinéma. Ce regard au milieu de la foule…