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Baek Nam-Ryong, Des amis, Actes Sud, Traduit du coréen (République populaire démocratique de Corée) par Patrick Maurus et Yang Jung-Hee

Publié le 20 janvier 2012 par Irigoyen
Baek Nam-Ryong, Des amis, Actes Sud, Traduit du coréen (République populaire démocratique de Corée) par Patrick Maurus et Yang Jung-Hee

Baek Nam-Ryong, Des amis, Actes Sud, Traduit du coréen (République populaire démocratique de Corée) par Patrick Maurus et Yang Jung-Hee

La couverture du livre ne laisse aucun doute quant à la nationalité de l’auteur. Baek Nam-Ryong est nord-coréen et s’il traverse les frontières – littéraires en tout cas -, c’est grâce à un homme dont je vous parlais dans une chronique précédente, Patrick Maurus, spécialiste du pays du matin calme, professeur à l’INALCO (Institut National des Langues et des Civilisations Orientales) de Paris.

Baek Nam-Ryong, Des amis, Actes Sud, Traduit du coréen (République populaire démocratique de Corée) par Patrick Maurus et Yang Jung-Hee

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Vous le verrez dans ces deux chroniques, Patrick Maurus a des propos étonnants. Cette interview, réalisé avec Eric Bergeron dans le cadre de l’émission Arte Reportage – le samedi à 18h50 côté français – montre combien il est important d’aller au-delà de l’étiquette de « dernier bastion stalinien de la planète » qui colle à la peau de la Corée du Nord.

On se trompe si l’on voit là une démarche pernicieuse visant à défendre le régime de Pyongyang. Patrick Maurus note des « évolutions » dans ce pays, à défaut d’utiliser le terme de « révolution » ou de « grande réforme ».

Respectons son point de vue étayé par de réguliers voyages en Corée du Nord, pays où il se rend parce qu’il y a des contacts avec de nombreux écrivains. Selon Patrick Maurus, et c’est sans doute ce que j’apprécie beaucoup dans ses propos, la littérature permet d’aller plus loin que la politique.

Propos déjà tenus dans la préface du roman :

Bien loin de nous l'idée de dire aux lecteurs ce qu'ils doivent lire, mais il n'en reste pas moins que prétendre se plonger dans un texte issu d'une société et d'une culture inconnues, ce n'est pas jouir d'une liberté mais s'exposer inévitablement à mettre en jeu des représentations françaises par définition préexistantes. N'existant pas, c'est-à-dire n'étant pas représentée, la Corée du Nord ne sera lue que comme pays d'Asie-Orient : barbarie, foule, pluriel, jeunesse, copie, fourberie, danger, etc. ça dure depuis Eschyle et ça n'est pas prêt de cesser.

Et de poursuivre avec Baek Nam-Ryong, écrivain né en 1949, auteur d’une vingtaine d’œuvres, actif dans le mouvement littéraire dit du 15 avril (qui prône moins d'héroïsme et plus de réalisme dans la littérature). Il est aujourd’hui un romancier représentatif.

Raison de plus pour lire, poursuit Patrick Maurus dans cette même préface, Baek Nam-Ryong par la médiation du traducteur et du livre publié, et d'admettre, le temps d'une lecture, que l'information sur la Corée du Nord peut ne pas provenir uniquement de dénonciateurs qui n'y ont jamais mis les pieds.

L’histoire est simple et la résumer se fait en quelques lignes : le juge Jong Jin Woo est saisi d’une affaire de divorce. Chai Soon-Hwi ne supporte plus son mari Ri Sok-Chun. Le magistrat entame alors une enquête et comprend ce qui ne va plus : l’ouvrière s’enorgueillit d’être devenue contre-alto dans une troupe artistique régionale, d’autant plus que son mari trime pour mener à bien un projet qui lui tient à cœur, une invention qui pourrait profiter à l’entreprise, donc à la patrie.

Une fois passée l’excitation de lire le premier livre nord-coréen traduit en français, le lecteur peut légitimement craindre l’omniprésence d’une phraséologie marxiste-léniniste. Ne soyons pas candides, elle existe bel et bien. Exemples :

Elle avait perdu ses parents dans un bombardement des salauds d'Américains pendant la guerre, elle avait grandi dans un orphelinat et dans une école maternelle. Elle ignorait les notions de moi, de mon avenir, de mon but.

Plus loin :

Le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent pour les équipements de pompage pour puiser de l'eau de la rivière. A partir de là, les gens ont pu profiter de la vie culturelle tout autant que les bons villages.

Ou encore :

(…)la gratitude pour le parti qui avait préparé le sommet du bonheur, le respect pour les gens plus âgés, et la promesse des jeunes mariés.

Une petite « dernière » :

Une famille où règne l'amour est un monde beau où grandit l'avenir.

Les phrases de ce type ne manquent pas. Mais s’arrêter à cela serait un peu court. Car en fait, ce roman fourmille d’informations sur la vie quotidienne. Selon Patrick Maurus, la littérature nord-coréenne est dans une phase de transition. Il parle de :

(…) passage de la littérature nord-coréenne de la topique héroïque militariste à la topique scientifique pédagogique peut potentiellement profiter à des femmes.

De quelles informations s’agit-il ? Et bien on apprend que l’alcoolisme existe en Corée du Nord, ce qui dément l’idée selon laquelle le pays serait le paradis communiste sur terre. On y attrape aussi des maladies (ce qu’avance la femme du juge). Et puis des actes de corruption visent des responsables politiques :

Parce qu’était poursuivi un conseiller du département de distribution d'électricité qui s'était servi exagérément d'une couette électrique qu'il avait inventée, en trompant la nation qui se devait de consommer avec modération.

C’est à se demander ce que fait la censure !


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