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Amitiés sous respiration artificielle

Publié le 21 janvier 2012 par Sukie

Amitiés sous respiration artificielle

On dit souvent faire le ménage dans ses amis Facebook, comme si on parlait d’un vieux grenier à débarrasser. Ce sont peut-être ces profils qui s’entassent, forme de masse impersonnelle qui donnent cette impression de désordre et fatras incohérent dans lequel se mélange les souvenirs et les bibelots de tout ordre.

Un Facebookeur a 120 contacts, une moyenne un tout petit peu en dessous du nombre de Dunbar qui établit à 150 la quantité d’amis avec laquelle vous pouvez entretenir à un moment donné une relation stable. On est encore très au-dessus des amis qui se comptent sur les doigts d’une main (qui selon des sources fiables plafonnent à 10). Alors que plus de 800 millions d’utilisateurs chaque jour se pokent, s’ajoutent, likent, commentent, sharent, font une pause Facebook comme on fait une pause clope, moi je me retourne sur ma liste d’amis en décidant de donner un coup de balais. Ce geste m’est contre-nature, parce qu’en 27 ans je n’ai eu de plus grande angoisse que celle de la solitude. Un mal symptomatique d’une époque sur-connectée dont les liens se réduisent à peu de choses, mais qui donne l’illusion d’ être moins seul, tel un palliatif.

Palliatif : Du latin médiéval palliativus, du latin pallium, « le manteau, celui qui protège et réconforte ».

Quand j’étais gosse, je regrettais d’être née un 28 décembre. C’était les vacances scolaires, l’euphorie des fêtes plongeait ce jour particulier dans l’oubli, et n’étant pas une fille à boum, je n’ai que peu de souvenir de festivités amicales. Aujourd’hui, cela va sans dire, je tiens ma revanche. Des inconnus s’en souviennent chaque année grâce à Facebook, 13% de mes contacts me parlent ce jour-là, un ratio victime d’inflation une seule fois-dans l’année. Le lendemain, j’avais déjà perdu mon triple A.

Faire le ménage oui, mais balayer qui ?

Les inconnus ou les quasi-méconnus, cela va sans dire, même si cela implique que mon quota de bon anniversaire va sévèrement décliner l’an prochain. Les visages qui me sont familiers… mais là, tout de suite tu ne me dis rien. Certains anciens collègues de boulot qui votent à droite à qui je n’ai pas reparlé depuis mon pot de départ. Des camarades de classe sans réelle affinité. Des contacts professionnels, parce que Facebook n’est ni Viadeo ni Linkedin. Des rencontres d’un soir. On s’est dit bonjour, maintenant passons à l’au revoir. Et puis il y a les autres. Ce sont les pires. Les amis de longue date que la vie a séparé, que Facebook a rabiboché, mais on a toujours plus rien à se dire. Juste que sentimentalement, ça fait du bien de te savoir là. Je peux de stalker de temps en temps, savoir que tu vas bien – ha tu es marié ? – mais finalement j’aimerais mieux que l’on s’appelle. Facebook est en soi pervers pour ça. Rendre encore plus méconnu ceux que l’on a connu et aimé. Et c’est à ce moment là que j’ai envie d’appuyer sur unfriend. Puis je me ravise. Et je réfléchis encore. On était quand même meilleures amies à 13 ans. Et merde. Tu as oublié mon anniversaire.

Facebook, c’est parfois le couteau qu’on remue dans la plaie. Des amitiés sous respiration artificielle qu’on pourrait débrancher à tout moment. Ce lien inexistant, rendu tangible et c’est un bien grand mot, par une connexion qui tient à un clic. Ah, cette hypocrisie ambiante qui tient chaud, conforte les égos et caresse la nostalgie dans le bon sens du poil. J’y pense et puis j’oublie. Tu émerges puis te renoies dans la masse.


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