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Cloud Nothings – Attack on Memory [2012]

Publié le 24 janvier 2012 par Feuavolonte @Feuavolonte

cloud.nothings.attack.on.memoryCloud Nothings
Attack on Memory

Carpark
États-Unis
Note : 8,5/10

par Williams Fonseca-Baeta

Aux dernières nouvelles, le punk était mort et enterré. Dans le cimetière de la musique, le style le plus vagabond du rock ‘n roll était enfoui six pieds sous terre devant une pierre tombale vétuste. Mégots de cigarettes et éclats de verre décoraient les environs de la sépulture. Sur la pierre tombale, des visiteurs avaient en parti rayé la gravure «Rest In Peace» pour y écrire «Trash In Peace». Une blague de mauvais goût, diront certains, mais c’était tout à l’image du punk. Le style n’avait jamais joué dans les notes conventionnelles. Pourtant, au moment où l’on croyait que le punk était bon pour les livres d’histoires, voilà qu’un groupe a décidé de déterrer la créature. Après quelques années à pourrir sous la terre, Cloud Nothings lance Attack on Memory, un disque purement punk.

Je vous vois déjà dire, «Yark, un revenant, ça ne doit pas sentir bon!» Vous avez raison, mais le punk, ça n’a jamais senti très bon. Le genre, bien que puant, a ses raisons d’exister.

Des années 90 au début des années 2000, le punk était devenu l’affaire des grandes compagnies de disques. Le style avait pris une tangente populaire avec l’arrivée de groupes comme Blink-182, Sum41 et the Offspring. Les groupes de garage de l’époque ne vivaient que pour le genre. Guitaristes et bassistes faisaient vibrer les cordes de leurs instruments au son de quelques refrains accrocheurs. En 2004, la passion était à son paroxysme lors de la sortie de l’album American Idiot de Green Day. Pourtant, toute cette popularité s’est avérée fatidique et mortelle. Avec American Idiot, les purs et durs du punk se sont retranchés derrière les barricades. À l’instar du hip-hop, le genre devait être la musique d’une marge, d’une frange de la société contre la société. Une scission s’est alors opérée dans la grande école du punk. L’une plus traditionnel, pour qui le Trash est un style de vie, et l’autre plus libertaire, pour laquelle la popularité est un signe de reconnaissance. Cette guerre a fini par détruire le genre. Le punk populaire est devenu du emo et le punk traditionnel du rétro.

Huit ans après sa mort, le punk revient enfin à la vie dans un garage de Cleveland. Ce qui n’a rien d’étonnant. Cette cité de l’Ohio est en pleine perdition depuis la crise économique. Autrefois en pleine expansion, Cleveland est maintenant une ville presque fantôme. Son taux de criminalité est en forte hausse et sa population diminue d’année en année. Un environnement idéal pour la naissance d’un groupe punk comme celui de Cloud Nothings.

C’est un peu dans cette ambiance que commence le disque Attack on Memory. Sur un rythme lent et dépressif, le chanteur du trio, Dylan Baldi, parle d’abandon et de frustration. On l’imagine vagabonder dans quelques rues désertes de Cleveland. Il cherche désespérément quelques traces qui auraient été les prémices de la décadence de sa ville. Il contemple sans espoir l’avenir de centaines de maisons abandonnées dans sa rue. Puis, il se voit lui, dans le reflet d’une vitre cassée. Et ainsi, se termine la première pièce de l’album, No Future/No Past.

Les thèmes de la déception et de la désillusion sont utilisés à outrance dans les autres pièces de ce disque. Pourtant, on ne fait pas affaire à un nouveau Kurt Cobain suicidaire. Il existe de l’espoir dans la musique de Cloud Nothings. On la retrouve dans les accords frénétiques de pièces comme Fall In, où le groupe ne demande rien d’autre que de sortir de son merdier.

Bien qu’il ne soit composé que de huit pièces, ce disque expose avec habileté une grande palette de couleurs musicales. No Future/No Past et Fall In font figure d’antithèses. La première, très obscure, est un hymne progressif aux premières chansons des Pixies. Tandis que la seconde aurait facilement pu se retrouver dans l’album Dookie de Green Day. Cette variété est en partie due au travail du légendaire producteur Steve Albini. Ce dernier a produit des disques de Nirvana, des Pixies et de Godspeed You ! Black Emperor. Rien de moins.

Le morceau Wasted Days est une petite épopée dans l’univers lyrique de Dylan Baldi. À coup d’accords bien choisis, le chanteur précise ses vers tranchants sans s’essouffler dans une piste de plus de huit minutes. Il reprend des concepts déjà connus, mais le fait dans les règles du punk. Ce qui signifie, l’anarchie instrumentale quasi totale. À la fin de la pièce, on l’entend crier et répéter sans fin «I thought, I would be more than this». Ouch.


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