L’éditorial d’Yves NKODIA
L’Afrique est un continent historique et mystérieux. Son passé rendu glorieux par la genèse de l’homme dans sa terre ancestrale donne à l’esprit triomphant d’hier une nature énigmatique. De l’Egypte antique aux royaumes défaits de l’Afrique noire, une image d’un peuple rayonnant qui enfanta le monde s’est effacé au fil des siècles. Ce berceau de l’humanité est assiégé par le spectre de la nuit, de la fin et de la mort. Une autre nébuleuse est remplacée et imposée par ses propres enfants engendrés qui habitent dans d’autres continents. Croupissant dans la misère et la pauvreté, le père délaissé et vivant dans l’indifférence sombre dans la solitude, la maladie, le désespoir, l’incertitude et dans le chaos d’une richesse perdue à l’âge d’Homme. Une difficile situation pour ce sage dormant dans un lit somptueux avec son coffre-fort rempli de lingots d’or.
Le fameux or noir
L’Afrique est une terre miraculeuse et remplie de multiples richesses naturelles. Matières premières. De l’or noir au diamant en passant par le fer et l’uranium, le continent noir est richement loti. Cette richesse que la nature généreuse lui a donnée en centuple et en guise de son amour, de sa fratrie, de sa vision singulière de la vie et transcendantale de la mort. Ces valeurs qui ont forgé son corps féroce et son vaillant esprit auxquelles s’est greffée cette lumineuse âme voguant ça et là entre ce monde d’en bas et celui de l’au-delà. Ces sphères terrestres et célestes de l’âme de celle que ce présent oublie et qui garde dans ces recoins séculaires ses us et coutumes structurant son propre modèle ou exception africaine. C’est ce modèle singulier que la mère du monde cache dans son terreau prolifique et qui rayonne son passé et déterminera son futur. En restant fidèle et joyeux dans ce sillon creusé jadis dans son champ de prédilection, de compétences et de talents certains.
Aujourd’hui, l’Afrique perdue dans son propre chemin de retour doit regarder dans ce miroir de l’eau qui tremble pour voir son dessein englouti, le sens et la voie de son destin de reconquête de l’histoire galvaudée. C’est cette voie d’alors que l’Afrique championne à l’époque florissante de victoire et de prospérité, mais au présent malade et abandonnée, doit emprunter pour retrouver sa plénitude. Et son honneur dans l’acception de son propre paradigme ancestral et non l’acquisition par mimétisme ou importation d’un parangon aliénant et aveuglant. Ainsi l’Afrique au chevet de son lit brillant doit contempler ses dieux millénaires et non les météores des cieux des autres mondes. C’est ce soleil noir de la mélancolie et de la tristesse infinie que notre chère Afrique doit se détourner pour prendre à bras le corps les rênes éblouissantes de son destin de vie. Et de s’accepter telle qu’elle a été créée, façonnée par ses illustres ancêtres.
Le chemin des anciens
Dans cette voie de retour vers ses aïeux l’Afrique spoliée, épiée et décriée dans son propre champ doit s’armer de force et de courage. C’est ce sang froid mélangé avec l’audace et l’opiniâtreté que le continent isolé doit se battre pour sortir de ces mailles du filet. C’est le rejet de repli sur soi et de l’abandon de l’esprit victimiste que l’homme africain dépouillé de ses propres lambeaux actuels de défaitisme, de fatalisme, de domination doit incarner à fortiori. Et que l’Afrique entière doit se détacher pour sortir des eaux troubles de l’immobilisme, de l’inaction. Ses enfants d’antan grandis dans les chefferies sacrées, de l’évolution et du progrès ne cessent de semer, aujourd’hui, dans leurs terrains respectifs des instruments, des éléments, des moyens et des projets probants. Qui construisent leurs châteaux de réussites monstrueuses et bâtissent leurs chapelles d’idéaux porteurs, fondés sur lesquels les principes de démocratie tracent leur héroïque sentier de développement et de croissance.
A l’inverse, l’Afrique en décadence sombre dans l’agonie, l’incurie et la paresse maladives. Ces maux qui engendrent les causes inhérentes de son impuissance et de son incapacité à faire naitre en son sein une réussite dans l’économie prospère. Qui tire vers le haut la politique, le social, l’humain, l’écologie, l’environnement pour rejoindre les prairies de la félicité. Où le chômage disparait au profit du plein-emploi dans la plénitude, la paix et la tranquillité des esprits du peuple qui vivent du fruit de son labeur et de ses richesses. C’est dans ce sentier gorgé des biens d’équipement, des vertus des entreprises et des usines, des initiatives de recherche et d’innovation, des moyens d’investissement, de consommation, de pouvoir d’achat élevé des ménages… que le continent assombri n’a guère scruté, élaboré et suivre pour voir l’aube d’une émergence du nouveau continent florissant. A l’image captivante des dragons asiatiques et à l’exemple éclairant de l’ascension de l’Inde, de l’élévation du Brésil et de la progression continue de la Chine flamboyante.
Que faire ?
L’Afrique arrivera à cette phase de mutation grandiose si ses enfants restants gardent en eux ce pari ancestral mûrissant. Celui qui fait de l’Afrique son propre âme de lumière. Une lumière du passé enfouie dans son corps engourdi par l’ombre de sa propre ombre effacée. Il faut replonger dans cette mer de «l’histoire», des siècles écoulés, de puissance et de vérité que l’Afrique a toujours baigné pour être lui-même dans sa nature véritable: humaine, divine et mystérieuse.-Elle doit s’identifier à elle-même. Tel est le secret de sa réussite!- C’est cette identité exaltée qui fait de l’enfant Afrique l’égal de lui-même. Celle qui regarde son miroir du passé éblouissant et contemple cette histoire étincelante pour comprendre les énigmes et les symboles qui ont façonné l’essence profonde de son être. Et qui est en symbiose parfaite et en unité indivisible avec son immensité de valeurs de solidarité, d’égalité et de fraternité. Ces principes qui constituent les pierres angulaires sur lesquelles l’homme africain est rentré dans l’histoire qu’elle a fécondée belle. En inventant les écritures, les sciences, les techniques, l’art, la culture et une civilisation millénaire. Et en produisant les poètes, les philosophes, les mathématiciens, les physiciens, les médecins, les astrologues, les musiciens, les artistes, les architectes, les spiritualistes, les religieux….bref tous ces divers corps éparpillés, disséminés dans le monde. Ce sont toutes ces lumières d’autrefois que l’Afrique dénaturée, délaissée, dépaysée, démystifiée et dévoyée doit revêtir. Pour éclairer les phares disparus et les flambeaux éteints. Et rebâtir ce continent majeur dans le prestige, la gloire, l’immanence absolue et l’amour illimité perdu dans les mondes développés de l’occident.
En conclusion
L’Afrique est le seul continent où les multiples langues, cultures, arts, civilisations, religions et sagesses sont nées et les races cohabitent depuis l’aube des temps. Une énorme richesse dans ce monde imparfait segmenté et en proie à la monté convulsive des extrémistes de tous bords et des divisionnistes de tous acabits. C’est dans ce mélange de terreau productif que l’âme défunte de l’Afrique d’hier renaitra de ses cendres pour regagner ce qu’elle a perdu dans ses phases graduées, de maturation, d’épuration, d’élévation. Le développement tant attendu de l’Afrique envasée dans ce présent tumultueux doit venir de la semence du silence dans sa glèbe intérieure et non de l’écoute du brouhaha du monde exogène. Dans la reconnaissance du travail, de l’effort, du sacrifice, de ses capacités, de ses talents, de ses compétences et de ses valeurs propres longtemps négligées. Car l’Afrique est l’enfant prodige qui s’ignore. Il doit aussi venir du refus délibéré des impérities et des scories nées de maux engluant l’élite au pouvoir: la gabegie, la corruption, le tribalisme, le despotisme, le népotisme… Seule l’énergie endogène constructive libère l’homme des préjugés, des complexes, des faiblesses et de paresse. Demain, l’Afrique sortira de ces lacis sinistres…..et elle gagnera les combats futurs, son esprit vaincu atteindra les cimes du monde des possédants. Qui l’ont piétiné et jeté au feu calcinant de l’enfer du sous développement et de la décroissance générale. Un cercle non vertueux qui retient l’Afrique ligotée dans la forêt noire de l’oubli et de l’invisibilité totale. Sur l’échiquier du marché mondial où les autres continents caracolent en tête du peloton dans la recherche, l’innovation, la créativité et l’inventivité insolente. Ces armes imparables qui font d’un état ou continent éveillé un géant dans l’arène mondiale.
Yves Makodia Mantseka