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L’amour dure trois ans, le meilleur film de beigbeder

Par Unionstreet
  • L’amour dure trois ans, le meilleur film de beigbeder

L’amour dure trois ans :
Se réinventer en images

Frédéric Beigbeder est un curieux personnage. Dans quelques décennies on dira sûrement qu’il incarnait mieux que personne son époque. La France des années 1990 et 2000, perdue, bourrée de contraste, d’imperfections
et devenue insaisissable. Ecriture dépouillée, jalonnée de vrais fausses réflexions (ou l’inverse), narcissisme latent, légèreté, mondanité mais aussi crudité, Beigbeder est tout cela. Pas l’auteur que la France devrait avoir, mais celui qu’elle mérite.

Qu’il soit vénéré ou détesté, selon les codes et les conditions que chacun se donne, Beigbeder est.
Et si ces détracteurs peuvent lui reconnaître un talent, c’est bien son humour et sa proximité avec le lecteur, cette capacité à rendre l’insignifiant passionnant, à faire surgir le métaphysique de la merde (ou l’inverse) sans jamais nous barber. Beigbeder fait du roman pop qui plait et soigne en même temps ses crise existentiels. Tout le monde est content.

Et le voila qu’il nous balance à présent son premier film, adapté d’un de ses romans du même nom. 99 francs était réalisé par Jan Kounen et Jean Dujardin incarnait l’alter-ego beigbedien, lui valant un de ses meilleurs rôles. L’écrivain n’était donc pas encore aux manettes mais avait tout de même travaillé étroitementavec Kounen sur le scénario du film.
Cette fois c’est lui, à cent pour cent. S’adapter soi-même, un exercice piège pour un premier film mais Beigbeder joue le jeu du cinéma. Il choisit un genre : la comédie romantique, et prend en compte les nombreuses contraintes de l’exercice : notamment les comédien qui, par leurs personnalités, vont forcément altérer le matériau original, pour le meilleur ou pour le pire.

Alors forcément, on s’éloigne de la tonalité tragi-comique du livre qui, malgré sa légèreté et son impertinence à la limite du foutisme, laissait poindre une détresse, de petit bourgeois certes mais une détresse tout de même. Cette gravité disparaît au profit d’un récit plus exclusivement comique et le nouvel alter égo de l’écrivain joué par Gaspart Proust n’y est pas pour rien. Avec un jeu qui laisse d’abord perplexe puis finit par convaincre, le jeune comédien, au style déjà très marqué, arpente le film avec un flegme que rien n’atteint et participe grandement à ce lissage global de l’oeuvre qui, sans déplaire, ne surprend pas. Louise Bourgouin, au contraire, colle plus au personnage du roman. Dans le rôle d’Alice, elle est parfaite, sensuelle, sexuelle, un vrai objet de désir.

Beigbeder parie sur ce qu’il peut le plus facilement transposer à l’écran : L’humour, la relation amoureuse et cette aisance dans la narration enlevée et décomplexée. Via un dispostif aux multiples formats et natures d’images, il jongle avec les discours et donne au film un vrai rythme, sans lourdeur, en passant le plus vite possible sur les passages obligés du genre. Extraits de films, d’émissions de télévisions, florilège d’acteurs ou de personnalités, il transpose gaiement le film en 2012 et ose même des audaces visuelles au plaisir immédiat.

Rien à dire, du codé des codes du genre, le film remplie largement le contrat fixé : faire rire sans niaiseries.
Quand l’humour irrévérencieux de Beigbeder jaillit avec ce qu’il faut de trash et d’osé, on rigole.
Etonnamment, c’est bien plus les trouvailles pensées pour le film qui fonctionnent que les puch lines cultes du livre que Beigbeder transpose sans trop d’inspiration (le gant Mappa). Mais peu importe, il en faut aussi pour ceux qui n’ont pas lu le livre.
En Bonus, on à même le droit a des numéros d’acteurs délicieux : Joey Starr, Jonathan Lambert ou Valérie Lemercier tous excellents !

L’amour dure trois ans est donc plus une métamorphose du livre en comédie populaire qu’une adaptation fidèle et temps mieux. Beigbeder se trahit et ne se prend pas au sérieux, tout en ne parlant que de lui. Il livre un gros bonbon bien sucré avec quelques relents acides et conclue même par un plan magnifique dans lequel il ne résiste pas à cracher tout son pessimisme. Plaisant et inconséquent.

C. Levassort


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