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Patrick Kavanagh (Irlande, 1904-1967) (anthologie permanente)

Par Florence Trocmé

Route d’Inniskeen, soir de juillet  
Les cyclistes s’en vont par deux ou trois – 
Ce soir il y a bal dans la grange de Billy Brennan, 
Il y a le langage à demi prononcé des mystères 
Et la complicité délicieuse des clins d’œil et des coups de coude. 
Huit heures et demie et il n’y a pas une tache 
Sur une lieue de route, ni même une ombre portée 
Qui révèle homme ou femme, pas un 
Pas révélant des secrets de pierre. 
 
Je possède ce que tout poète hait en dépit 
Des discours solennels sur la contemplation. 
Oh, Alexander Selkirk connaissait bien la condition 
D’être à la fois roi, gouvernement et nation. 
Une route, un royaume d’une lieue. Je suis roi 
Des talus, de la pierraille, et de tout ce qui fleurit. 
 
 
The bicycles go by in twos and threes - 
There's a dance in Billy Brennan's barn tonight, 
And there's the half-talk code of mysteries 
And the wink-and-elbow language of delight. 
Half-past eight and there is not a spot 
Upon a mile of road, no shadow thrown 
That might turn out a man or woman, not 
A footfall tapping secrecies of stone.  
 
I have what every poet hates in spite 
Of all the solemn talk of contemplation. 
Oh, Alexander Selkirk knew the plight 
Of being king and government and nation. 
A road, a mile of kingdom. I am king 
Of banks and stones and every blooming thing. 
 
|○| 
 
Shancoduff 
 
Mes collines noires n’ont jamais vu se lever le soleil, 
Éternellement elles fixent le nord vers Armagh. 
L’épouse de Loth ne se serait jamais changée en sel si elle avait 
Été aussi peu curieuse que mes collines noires toutes réjouies 
Lorsque l’aube blanchit la chapelle de Glassdrummond. 
 
Mes collines accaparent les clairs shillings de mars 
Tandis que le soleil fouille toutes les poches. 
Elles sont mes Alpes et j’ai gravi le Cervin 
Avec une botte de foin pour trois veaux agonisant 
Dans le champ sous le Grand Fort de Rocksavage. 
 
Les vents mêlés de neige caressent les flancs hirsutes de Shancoduff 
Tandis que les bouviers cachés dans les fourrés de Featherna 
Lèvent les yeux et disent : « Qui donc les possède, ces collines de famine, 
Pour que la poule d’eau et la bécassine des marais aient dû les fuir ? 
Un poète ? Alors par tous les cieux il doit être pauvre ! » 
J’entends et mon cœur n’en est-il pas durement éprouvé ? 
 
 
My black hills have never seen the sun rising, 
Eternally they look north towards Armagh. 
Lot's wife would not be salt if she had been 
Incurious as my black hills that are happy 
When dawn whitens Glassdrummond chapel.  
 
My hills hoard the bright shillings of March 
While the sun searches in every pocket.  
They are my Alps and I have climbed the Matterhorn 
With a sheaf of hay for three perishing calves 
In the field under the Big Forth of Rocksavage.  
 
The sleety winds fondle the rushy beards of Shancoduff 
While the cattle-drovers sheltering in the Featherna Bush 
Look up and say: "Who owns them hungry hills 
That the water-hen and snipe must have forsaken? 
A poet? Then by heavens he must be poor." 
I hear, and is my heart not badly shaken? 
 
Patrick Kavanagh (Irlande, 1904-1967), trad. Paul Le Jéloux, in Anthologie de la poésie irlandaise du XXe siècle, Verdier, 1996 
  
[choix de Jean-Pascal Dubost] 
 
Bio-bibliographie de Patrick Kavanagh


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