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Richard II - Donmar Warehouse

Publié le 26 janvier 2012 par Filipa

J'ai appris en juin dernier que Eddie Redmayne et Andrew Buchan avaient tous deux été choisis pour jouer dans Richard II. Si on fait le calcul, ça fait 7 mois que je bassine tout le monde avec cette pièce. Parce que bon, faut comprendre : Eddie Redmayne + Andrew Buchan. Sur scène. Dans la même pièce, de Shakespeare. Je n'imaginais déjà pas voir l'un ou l'autre sur scène, encore moins les deux ensemble !

Evidemment, je me devais alors de voir ABSOLUMENT cette pièce. Ce fût chose faite la semaine dernière. Et My John, quelle soirée !

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(il manque l'affiche)(j'ai tout acheté !)

La pièce était complète depuis le jour de la mise en vente des billets, aussi on est arrivées les mains jointes en prière. Par chance, même en arrivant à 14h, on a pu avoir des places debout pour le soir même. Nous étions donc placées dans le balcon, pile au centre par rapport à la scène.

Les portes se sont ouvertes vers 19h25, on prend place contre la barrière et là, surprise : Eddie est sur scène. J'avais lu des reviews de la pièce, donc j'étais au courant pour ce détail, mais ça surprend tout de même. Le théâtre sent l'encens, le roi Richard II est installé sur son trône, tout de blanc et or vêtu, couronne sur la tête, sceptre à la main. Il ne bouge pas, ne parle pas, il attire le regard. Il est beau. Majestueux.

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La pièce commence. Eddie se lève, parle, il emplit la scène, le public est charmé, envouté. Quelques instants après, on entend une voix grave. Comme on est dans les balcons et derrière, on ne voit pas à qui elle appartient, mais je la reconnaîtrais entre mille : c'est Andrew Buchan - Henry Bolingbroke est là.

Commence alors mon supplice : je ne sais plus où donner de la tête ! Admirer Eddie, admirer Andrew ? Le fait que certaines scènes se passent sur une sorte de pont, pile au niveau des yeux du public assis (et surtout debout) dans le balcon n'aide pas. Vous n'imaginez pas la force qu'il m'a fallu pour ne pas leur faire coucou de la main !

Bolingbroke est sur le point de se battre contre Thomas Mowbray, Duc de Norfolk. Chacun accuse l'autre de trahison et de complot, les voilà donc face à un combat à mort pour sauver leur honneur. Richard II, jeune roi juste et aimant souffre de les voir se déchirer et de penser que son cousin risque d'être homicidé (surtout qu'il est lui même à l'origine du-dit complot). Bolingbroke et Mowbray se préparent à combattre. C'en est trop ! Richard II lâche son bâton, je sursaute, le combat est annulé, les deux sont exilés.

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Hélas, ce qui semble juste pour le roi (mieux vaut être exilé que mort non?) est totalement inacceptable pour son cousin. Voilà l'occasion toute trouvée pour lui de monter un coup d'état contre le roi. Il profitera alors du départ du roi en Irlande pour revenir au royaume et récupérer ce qui lui appartient. Ralliant la noblesse anglaise à sa cause, il sera en mesure de mettre ce roi (pas si) tyran à genoux. Andrew Buchan excelle dans les rôles de gentils, et encore plus dans les rôles de méchants. Lorsqu'Henry est sur scène on ne voit que lui, on n'entend que lui. Tellement classe dans son manteau long, il a une telle prestance que d'un simple regard, d'un simple mot il commande le respect. Disons qu'avec lui les expressions "regard noir ou assassin" prennent tous leur sens.

Richard II de son côté, se lance dans une croisade en Irlande. Le fait d'utiliser l'argent de son oncle récemment trépassé pour la financer plutôt que de le rendre à qui de droit (Henry donc) n'aide pas à améliorer les relations entre les deux. Lorsqu'il apprend le retour de Henry de son exil bien avant son terme, il ne sait comment le prendre. L'annonce de son désir de le voir déchu ne fait que renforcer son désarroi et ses doutes à tel point qu'il est prêt à renoncer à sa couronne. D'aucuns le traiteront de lâche, moi de courageux : Henry a des alliés, beaucoup d'alliés, trop d'alliés. Il doute, il ne vaincra pas. Alors il se rend. Lui qui se croyait jusqu'à présent "l'élu de Dieu" ne peut, devant la réalité des faits qu'abdiquer. Plutôt que de verser le sang d'innocents (ou pas), il baisse les armes, et ça, c'est courageux.

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Ceux qui auront vu Savage Grace, Les Pilliers de la Terre, Tess ou n'importe quel autre film avec lui le savent : Eddie a un visage très expressif et devient chacun de ses personnages. Et surtout, il "fait ressentir" beaucoup au spectateur. Même du balcon, on voyait la tristesse sur son visage, les larmes dans ses yeux, on sentait le desespoir dans sa voix.

Aaaaaah la scène de la déposition. Et puis la scène finale. Le roi poète devenu simplement Richard, en guenilles, exilé, retenu prisonnier, mort et Henry avec la couronne usurpée, qui voit à jamais une malédiction peser sur lui à cause d'une phrase mal interprétée. J'étais comme en transe, accrochée à ma barrière, je n'avais plus froid ni faim, j'avais les yeux rivés à la scène, détestant l'un, souffrant avec l'autre.

Et puis les lumières s'éteignent. C'est fini. Je crois que j'ai arrêté de respirer quelque part au milieu de la deuxième partie... Aaah si vous nous aviez vu applaudir depuis notre petit balcon ! On admire ces fantastiques acteurs encore quelques minutes, on s'émerveille devant ces magnifiques décors et costumes (oh les robes de la reine Isabel - si simples et si belles. Et le roi Richard ! Son manteau blanc et or, son armure, son costume bleu), on applaudit encore.

Et puis on sort. On reste dans le hall, ils ne feintent pas comme Jude Law et Ruth Wilson, ils sortent par la grande porte. Andrew arrive le premier, écharpe bleu, veste noire très "John Mercer". Il est accompagné mais il s'arrête, semble surprit qu'on l'attende, discute avec les gens, signe les programmes; il s'approche, qu'il est grand !, je tremble, il est pressé, je demande quand même une photo, il sourit, fait signe à ses amis qu'il arrive dans deux minutes, prend la pose, c'est dans la boîte, "Thanks for your time", "Thanks for coming guys", il file vite. (Je l'aime) 

Arrive alors Eddie, cheveux roux, manteau noir, grand sourire, myriade de tâches de rousseurs. Il signe, il discute, il s'étonne de tant de compliments, ne sait pas trop quoi répondre à part "merci". Il s'approche, je tremble encore, je demande une photo, il accepte, "Sorry, I think I was looking away. Was I looking away ?" On vérifie, il discute avec une autre personne, il regarde vraiment ailleurs sur la photo, il nous tourne le dos, mince c'est fichu; il finit sa conversation, se tourne vers nous - lui : "How's the picture ?" moi :"Yeah sorry, you were looking away" lui : "Ok. Come here" il tend le bras, je me mets à côté, grand sourire, flash "Thank you very much" "No problem. Thanks for coming, nice to see you guys". (Marry me)

"Je donnerai (...) mon vaste royaume pour"... la possibilité de retourner à cette soirée.


PS : Et pour info sachez que Eddie a gagné le Critics' Circle Theatre Awards pour la Best Shakespearean Performance - comme quoi, même dans de telles conditions j'arrive à être objective. 

PS 2 : Pour voir les photos, c'est sur Tumblr.

Crédits photos : Johan Persson


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