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Un stylo dans la tête

Par Gjouin @GilbertJouin
Un stylo dans la tête
Théâtre des Nouveautés
24, boulevard Poissonnière
75009 Paris
Tel : 01 47 70 52 76
Métro : Grands Boulevards
Une comédie de Jean Dell
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Décors de Charlie Mangel
Avec Francis Perrin (Victor), Anne Canovas (Adeline), Sophie Gourdin (Olga), Xavier Goulard (Raphaël), Valérie Even (Karen), Eric Boucher (Raoul)
L’histoire : Victor Aubrac est un auteur de théâtre à succès. Ce soir, il réunit ses meilleurs amis pour leur annoncer une grande nouvelle : il s’est inspiré d’eux pour écrire une comédie hilarante. Il avait ses personnages sous la main : un homo, deux sœurs névrosées, l’ex de sa femme… alors pourquoi chercher plus loin ?
Mon avis : C’est indéniable, Jean Dell sait trousser une comédie. Cinq ans après Vive Bouchon, il a pris tout son temps pour peaufiner cette pièce et en soigner les dialogues…
Nous sommes dans le salon-bureau de Victor Aubrac, auteur de théâtre à succès. Ceci nous est confirmé par les nombreuses affiches et les statuettes de Molières qui sont venues récompenser son talent. De cette reconnaissance, il a conçu une certaine suffisance et un évident contentement de soi. Victor ne pense et ne vit QUE pour le théâtre, au détriment souvent de ses vies de famille et sociale. D’ailleurs, le sujet de sa nouvelle pièce, Houlgate, il n’est pas allé le chercher bien loin. Il lui a été totalement inspiré par le petit aréopage des amis de son épouse Adeline. Et il a provoqué une soirée pour la leur faire découvrir. Le problème, c’est qu’il s’est appuyé sur leurs principaux défauts, handicaps ou tares pour en faire une comédie. Il a donc mis la loupe là où ça faisait mal. Et ça ne va pas « louper ». De se voir ainsi dépeints, les intéressés vont à juste titre se regimber.
Pourtant, Victor n’a qu’à peine grossi le trait. Chacun dans son genre, Olga, Karen, Raphaël et Raoul sont des individus assez gratinés.
Après une scène d’exposition nécessaire bien qu’un peu longuette entre Victor et Adeline (il faut bien amener le thème de la soirée), la pièce prend son vrai départ lorsqu’Olga fait son irruption chez les Aubrac. Ce qui n’était jusqu’alors que sourires, se métamorphose soudain en rires francs et massifs. Et chacun des autres personnages croqués va apporter sa pierre à un édifice de plus en plus branlant qui menace d’échapper totalement à son constructeur. Les répliques deviennent assassines. Ça devient carrément « Cinq personnages en racket d’auteur ».
Ce qui est bien dans cette comédie de Jean Dell, est qu’il a su mettre des limites à la moquerie. Ça eût été trop facile. Le ton est parfois acide. L’amertume et le cynisme s’introduisent subtilement dans la composition du cocktail. Tous ces ingrédients permettent à la pièce de vraiment s’humaniser et de ne pas rester dans la simple gaudriole.
Francis Perrin, en chef d’orchestre, est une fois de plus magistral. Après Signé Dumas et Le Nombril, il se glisse de nouveau dans la peau d’un écrivain, ce qu’il est également dans la vie réelle. Il s’y sent donc tout à fait à l’aise. Toujours juste, avec sa science du geste drôle, son aisance physique, son dynamisme et la finesse de ses expressions, il se multiplie et occupe l’espace à ravir. Il est dans du sur-mesure et sa complicité avec Jean-Luc Moreau à la mise en scène lui confère une grande assurance et une totale liberté de manœuvre (sa parodie de l’explication du tri sélectif à une idiote par une muette est un grand moment. Entre autres…).
Autour de lui, le casting est réellement réussi. Il faut de bons comédiens pour pouvoir se glisser sans être ridicules dans la peau de personnages volontairement aussi caricaturaux. Chacun est parfait dans son registre, ils ne se marchent jamais sur les pieds. Ils sont tous bons et, grâce à eux, en entrant sans aucun problème dans leur jeu et en l’appréciant, on prend énormément de plaisir à suivre leurs ébats. Voici donc une jolie comédie qui devrait tenir l’affiche un bon moment du côté des Grands Boulevards.

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