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Les voir en live l’an dernier à Paris m’a donné envie de vous faire découvrir ce groupe bien particulier. Basé à Berlin, Kamikaze Queens nous raconte leur façon de voir la musique. C’est MadKate, une des leadsinger qui se prête au jeu de l’interview.
Malgré deux albums, on ne vous connaît pas encore en France ; pouvez-vous vous présenter ? Combien êtes-vous dans le groupe ? Où vous êtes-vous rencontrez ?
Nous sommes cinq : 3 Américains (Trinity et moi, Mad Kate, au chant, Lloyd à la bass), un Allemand (Tex Morton à la guitare), un Italien (Nico à la batterie). Nous nous sommes tous rencontrés à Berlin, car cette ville attire beaucoup de personnes créatives et offre beaucoup d’opportunités pour des projets. Nous nous donnons le nom de Cabaret Punk Berlin, un mélange de styles musicaux et esthétiques qui font penser à la période hédoniste crue et fantasque du Berlin de l’époque de Weimar, et du Berlin d’aujourd’hui! Pour nous, le spectacle sur scène est primordial, et notre style musical mélange rock n roll, garage, punk, cabaret, même tango.
Vous venez de pays différents, qu’est-ce qui vous a rassemblé et donné envie de former un groupe ?
Nous sommes tous actifs dans le domaine musical et/ou dans le spectacle sur scène depuis des années. Lorsque “Sin City Circus Lady”, le groupe de Trinity et Lloyd, a arrêté d’exister, ils recherchaient des musiciens pour monter un nouveau projet et ils nous ont trouvés ! Nous faisions déjà tous de la musique ou, en ce qui me concerne, de l’art du spectacle.
Vous avez sorti deux albums en assez peu de temps ; comment décrivez-vous le passage du premier au second ? Est-il plus facile de composer à plusieurs ? Comment se passe l’élaboration de l’album ? D’autant plus que certains d’entre vous ont des side-projets.
En réalité, pour nous, le moment entre le premier et le deuxième album a paru très long, ce qui nous a permis de nous développer en tant que groupe et de devenir beaucoup plus proches. Nous avons enregistré trois singles pendant ce laps de temps. C’était des nouvelles chansons que nous pensions ré-enregistrer pour le deuxième album (et elles l’ont été). Je pense que le temps que nous enregistrions le deuxième album, la voix musicale du groupe était mieux aiguisée/travaillée. Une fois prêts à composer et à enregistrer le deuxième album, nous avons travaillé vraiment dur pour qu’il se fasse. Après le premier album, ça nous avait pris du temps à nous mettre à travailler sur le deuxième album, mais une fois qu’on s’y est mis, ça a bien marché. Mais sortir un nouvel album est toujours difficile, il y a tellement de choses à prendre en compte, de la façon dont l’enregistrement doit être mixé et maîtrisé, à l’aspect et la promotion de l’album. Donc c’était comme donner naissance à un nouveau bébé, parfois difficile mais à la fin très enrichissant.
Oui, on compose tous les cinq en studio. En général, Trinity et moi venons répéter avec une mélodie et quelques paroles, et ensuite les garçons proposent spontanément une ligne (je connais pas le vocabulaire musical) de guitare, de bass et de batterie… Ca se fait assez facilement ! Je pense que nous travaillons bien ensemble lorsque nous trouvons des nouveaux textes.
En concert, ce n’est pas seulement les chansons de l’album qui sont interprétées mais c’est une réelle performance (Mad Kate, Lloyd), comment pensez-vous que le public réagit ? Préférez-vous la partie studio ou tournée ?
Le spectacle est une part importante de ce que nous faisons ! Je pense que ça ne pourrait pas s’appeler cabaret sans l’aspect théâtral. Cela veut dire que c’est un peu sexy, un peu sérieux, un peu bizarre, et toujours amusant. En plus, c’est ce qui attire le public et leur fait comprendre qu’ils peuvent se lâcher.
Je sais que, personnellement, je préfère largement être en tournée plutôt qu’en studio. Mais en même temps, j’aime travailler sur des nouvelles chansons. Parfois on arrive à écrire quelque chose de nouveau pendant la tournée, mais on retravaille sur les détails en studio.
Dans le premier album vous parlez d’un Berlin avec nostalgie (Voluptuous panic) et sur la pochette du second il est écrit ‘this is Berlin punk cabaret’, vous habitez Berlin. Est-ce que cette ville a une influence sur votre musique ? Qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?
Oui, Berlin nous inspire. Il y a beaucoup de possibilités d’expérimentations ici, et aussi beaucoup d’artistes en ce moment, comme c’était le cas avant, pendant ce qu’on appelait “Berlin de Weimar”. Il y a peut-être une nostalgie de cette sorte de liberté d’esprit, de ce “Zeitgeist” particulier, et on reconnaît largement que l’on retrouve cela à Berlin, aujourd’hui. Ce qui s’est passé en Allemagne pendant ces dernières quatre-vingt années a été tellement destructif que la ville a dû renaître de ses cendres, plusieurs fois. Dans ce sens, c’est toujours une “nouvelle ville”, pleine de possibilités. Je pense que cela explique pourquoi tant de personnes y affluent et en font un épicentre des arts.
On retrouve dans vos chansons une envie de ne pas ressembler aux autres, de ne pas sombrer dans l’automatic life, et musicalement vous ne ressemblez à rien de ce qui se fait en ce moment, voyez-vous cela comme un avantage ?
Je pense que nous donnons un son nouveau au rock n roll parce que nous avons tellement d’influences et un auditeur / féru de musique repère ces nombreuses influences dans nos chansons. Nous sommes sans aucun doute dans la tradition du rock n roll mais nous essayons de faire en sorte qu’il reste original et reflète le présent, ce qui est une myriade d’influences rassemblées. C’est toujours difficile de dire que notre musique ne ressemble à aucune autre — parce que bien sûr tout art recycle et ajoute et transforme — mais je pense vraiment que nous sommes assez originaux et c’est évidemment à notre avantage. En ce qui concerne la différence physique par rapport aux autres, c’est peut être une mauvaise interprétation de mes paroles. La chanson parlant de “pas comme les autres filles” ne veut pas dire mot pour mot que je ne ressemble à personne d’autre dans mon apparence. C’est surtout à propos d’une fille (dans ce cas précis, une sirène qui arrive sur la terre ferme) qui se rend compte que c’est trop difficile de toujours vouloir être parfaite, comme les filles qui savent comment se maquiller et se coiffer à la perfection. Cette chanson est sur la prise de conscience qu’on peut ne pas se soucier de toutes les “règles” et juste être soi-même.
Dans vos chansons ‘do the crab’ ‘mermaid’ et même sur scène (Kate en sirène) on se retrouve dans un environnement marin, qu’est-ce que cela vous inspire et représente ?
Nous n’avons pas vraiment réfléchi aux influences de la mer quand nous avons commencé à les écrire dans nos chansons, ça s’est un peu fait tout seul. En concert, j’utilise depuis longtemps un déguisement de sirène que j’ai trouvé sur un marché aux puces à Amsterdam, et j’ai enfin pu parler d’elle dans quelques chansons de Kamikaze Queens. J’aime la sirène comme symbole de la tentation. Mais plus que ça, j’aime le concept d’hybride — moitié poisson, moitié humaine, et aussi l’idée métaphorique d’être toujours à la recherche de quelque chose de meilleur, ou de plus aventureux. La sirène part toute seule, comme une personne indépendante, et quitte ce qu’elle connaît dans la mer. D’un côté, l’utopie qu’elle recherche est déjà dans sa propre arrière-cour, dans son esprit. D’un autre côté, il y a d’autres aventures dans le monde extérieur et elles vont l’aider à découvrir une vie libre pleine d’excitation. Mais après avoir vu tout cela, elle réalise peut-être que ce qu’elle recherchait a toujours été là.
Lorsque vous parlez d’amour ou de couple, on est loin des clichés qu’on a l’habitude d’entendre. En quoi parler ouvertement de sexe, de prostituées, ou bien placer l’homme inférieur à la femme vous intéresse ? Est-ce lié au fait que les femmes (2 leadsingers) soient au premier plan dans le groupe ?
Pour moi personnellement, la sexualité ouverte a toujours fait partie de mes choix en matière de paroles et de spectacle, quel que soit le projet auquel j’ai participé. Je ne pense pas parler des hommes comme étant “inférieurs” aux femmes ; du moins, ce n’est pas la vision que je partage. Mais j’espère vraiment parler du sexe et des travailleuses du sexe comme des choses normales et positives faisant partie de la vie et qui ne devraient pas être stygmatisées. C’est pour ça que certains de mes textes adoptent le point de vue des travailleuses du sexe — je ressens beaucoup de solidarité pour eux. Nous ne pourrons jamais mettre fin aux aspects négatifs du travail du sexe et de l’esclavagisme sexuel si nous continuons à stygmatiser le travail du sexe en général.Une part majeure de cette stygmatisation est très subtile — on la remarque à peine. Mais cela se produit beaucoup lorsque des femmes jugent d’autres femmes, ou lorsque des femmes doivent défendre leur corps. Leur comportement est toujours lié à l’idée de “ne pas être une salope, ou ne pas être une prostituée”. Ce genre d’énergie négative est nuisible à tous. Nous devons continuer à élever les femmes dans l’industrie de la musique car celle-ci est toujours dominée par les hommes. Nous devons arrêter de nous juger pour la façon dont nous nous habillons et pour ce que nous faisons sur scène, et tout simplement commencer à se soutenir pour les chansons que nous écrivons et la musique que nous créons. A la fin, nous devons tous nous démmerder par rapport à notre sexualité, et je pense que les hommes et les femmes éprouvent des difficultés à ce sujet, chacun de leur façon.
Un dernier mot, quels sont vos plans pour les mois à venir ?
Nous comptons aller aux Etats Unis en mars pour faire une tournée sur la Côte Ouest. Les trois Américains que nous sommes sont très excités à l’idée de rentrer à la maison.
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Despite your two albums, people don’t really know you in France : can you introduce yourself? How many people are in the band? Where did you meet?
We’re five people: 3 American–Trinity and myself, Mad Kate, on vocals, Lloyd on bass, one German–Tex Morton on guitar, one Italian–Nico on drums. We all met in Berlin, as the city draws a lot of creative people and opportunities for projects. We call ourselves Berlin punk cabaret, a mix of musical and aesthetic styles that bring to mind some of the hedonistic whimsical and raw times of Weimar era Berlin, and Berlin today! We have a strong performance base and musical style that mixes rock n roll, garage, punk, cabaret, even tango.
You all come from different countries, what brought you together and made you want to form a band?
We’ve all been involved in either the music and/or performance scene for many years. When Trinity and Lloyd’s old band “Sin City Circus Ladies” ended, they were looking for musicians to form a new project and they found us! We were all already doing either music or, in my case, performance art.
You released two albums in a short time, how would you describe the transition from the first one to the second one? Is it easier to compose when you are several people? How does the creation of the album goes? All the more since some of you have side-projects.
Actually for us it felt like a long time in between the first and the second album, which definitely allowed us to grow as a band and become much tighter. We recorded three singles in between that time. Those were new songs that we thought would be re-recorded for the second album (and they were). I think our band’s musical voice was better honed by the time we recorded the second album. Once we were ready to compose and record the second album, we worked really hard to make it happen. It had taken us a while from the first album to begin work on the second, but once we put our minds to it, we really made it work out. But bringing out an album is always difficult, there is so much to consider, from how the recording is made to mixed, to mastered, to how the album looks and is promoted. So it was like giving birth to a new baby, sometimes difficult but in the end very rewarding.
Yes, we compose as a group of five in the studio. Generally Trinity and I will come to rehearsal with a melody and a set of lyrics, and then the boys will spontaneously offer a guitar line, bass line and drums … It’s quite painless! I think we work together well when we’re coming up with new material.
During the concert, it’s not only about singing the songs from the album, but it’s a real show; is it important for you to perform ? Do you prefer working in the studio or being on tour?
Show is a big part of what we do! I think it couldn’t be called cabaret without theater. That means it’s a little bit sexy, a bit serious, a bit funny, and always fun. Besides, that’s what draws the audience in and lets them know it’s okay to let go.
I know that I definitely prefer to be on the road than to be in the basement studio. But at the same time, I like developing new material. Sometimes we manage to write something new while we’re on the road, but a lot of details get worked out in the studio.
In the first album, you mention Berlin with nostalgia (Voluptuous panic) and on the cover of the second one it’s written “this is Berlin punk cabaret”, you live in Berlin. Does the city have an influence on your music? What does Berlin represent for you?
Yes, Berlin is inspiring to us. There is a lot of room for experimentation here, and a lot of artists at this time, as it was earlier in Berlin, during what they call “Weimar Berlin”. Perhaps there is a nostalgia for this kind of freedom of spirit, for this particular Zeitgeist, and that we recognize to a large degree that we do have that right now, again, in Berlin. What happened in Germany in the last eighty years was so destructive that the city has had to rise again anew, many times over perhaps. In this sense it is still a “young city,” full of lots of possibilities. I think that’s why so many people have been flocking to it and making it into an epicenter for the arts.
We find in your songs a desire not to look like others, not to sink into the automatic life, and musically speaking, you do not look like anything that’s done right now, do you see that as an advantage?
I think we do give a fresh sound to rock n roll because we have so many influences and a listener / music lover can hear those many influences in our songs. We are definitely in the rock n roll tradition but we’re trying to continue to keep it fresh and reflect our current times, which is a myriad of influences coming together. It’s always hard to say we don’t sound like anyone else– because of course all art is a recycling and adding and twisting–but I do think we’re pretty original, and of course that’s an advantage. As far as not looking like others, that could be a bit of a misinterpretation of my lyrics. The song about “not like the other girls” isn’t literally that I don’t look or sound like anyone else. The point is more about a girl (in this case a mermaid come to land) who realizes that it’s too hard to always try to be perfect, like girls who know how to do their makeup perfectly and wear their hair perfectly. That song is about discovering that it’s okay to just not worry about all the “rules” and just be yourself.
In your songs “do the crab”, “mermaid”, and even on stage, we are dived into a sea environment, what does it inspire in you and what does it represent?
We didn’t think much about the sea influences when we began to write them into our songs, they sort of just happened. In performance, I’ve used a mermaid costume that I found in an Amsterdam flea market for a long time in solo performances, and finally I was able to write her into a few Kamikaze Queens songs. I love the symbol of the mermaid as temptress. But more than that I love the idea of hybrid — half fish and half human, and also the metaphorical idea of always being in search of something better, or more adventurous, than what one has. The mermaid goes out on her own as an independent person, leaving what she knows in the sea. On the one hand, the utopia she seeks is already in her own backyard, in her own mind. On the other hand, there are new adventures out there and they will help her discover a wild life that is full of excitement. But after seeing all that, she might realize that what she was seeking was always there for her.
When you talk about love or couples, we are far away from the clichés we are used to. How does openly talking about sex and prostitutes, or putting the man lower than the woman interest you? Does it have to do with women being in the foreground of the band? Do you think women are well represented in the music world?
For me personally, sex positivity has always been part of my lyrical and performative choices, in whatever project I’ve been part of. I don’t think that I speak of men as “lower” than women; at least, I don’t have that view. But I do hope to speak about sex and sex workers as normal, positive parts of life, that shouldn’t be stigmatized. That’s why some of my lyrics come from the point of view of sex workers–I feel a lot of solidarity with them. We will never be able to end the negative aspects of sex work/slavery if we continue to stigmatize sex work in general. Much of our stigmatization of sex workers is really subtle–we hardly notice it. But it happens a lot when women judge other women, or when women have to defend their bodies. They’re always doing so in relation to “not being a slut, or not being a prostitute.” This kind of negative energy is actually damaging to everyone. We have to continue to lift up women in the music industry because it’s still dominated by men. We have to stop judging each other for how we look and what we do onstage and just start supporting each other for the songs we write and music we produce. In the end we all have to work out our own shit about sexuality and I think men and women both struggle with this in whatever way.
To close this interview, what are your plans for this new year, in the next months?
We’re planning on going to the United States in March to make a West Coast tour! Us three Americans are really excited about getting back to our home country.