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Les Sumériens étaient-ils les premiers brasseurs ?

Par Jann @archeologie31

Des découvertes archéologiques concernant des tablettes cunéiformes ainsi que les restes de différents récipients datant de plus de 4000 ans montrent que, même à l'aube de la civilisation, le jus fermenté de céréales était très apprécié par les habitants de la Mésopotamie.

Les Sumériens étaient-ils les premiers brasseurs ?  Ancienne tablette de Mésopotamie (environ 3000 avant JC): elle contient une proto-écriture cunéiforme qui appartient au groupe des plus anciens documents écrits sur terre. Elle contient les ingrédients de base requis pour la production de produits céréaliers comme, par exemple, différents types de bière.
Cependant, outre les deux ingrédients de base, l'orge et l'amidonnier (une espèce de blé), la bière produite dans les pots en argile des Sumériens est entourée de mystère.
Car, malgré l'abondance des découvertes et des scribes qui mettent en avant un amour précoce des boissons de céréales fermentées, la reconstitution des anciennes méthodes de brassage est très difficile. C'est ce qu'a expliqué Peter Damerow (décédé en novembre 2011), chercheur en histoire de la science et de l'écriture cunéiforme à l'Institut Max Planck à Berlin. Dans un article scientifique il a examiné attentivement les technologies de brassage de la bière chez les Sumériens.
L'auteur a exprimé également de grands doutes quant à savoir si ce breuvage populaire dans l'antiquité était réellement de la bière.
De nombreuses données mais peu d'informations.
Bien que de nombreux textes cunéiformes vieux de plus de 4000 ans contiennent des enregistrements de livraisons d'amidonnier, d'orge et de malt aux brasseries, il n'y a guère d'informations sur les détails des processus de production, ni de recette à suivre .
D'après Damerow, les textes administratifs étaient plus susceptibles d'être écrit pour un public qui était déjà familier avec les détails de la brasserie... et n'étaient pas destinés à informer le lecteur d'aujourd'hui au sujet du processus.
Par ailleurs, les méthodes utilisées pour l'enregistrement de ces informations diffèrent selon les lieux et les périodes de temps.
Et enfin, les données et les calculs ne sont pas basés sur un système de numération cohérent. Au lieu de cela, les bureaucrates sumériens utilisaient des systèmes numériques différents selon la nature des objets devant être comptés ou mesurés.
Un doute est ainsi jeté sur la théorie populaire selon laquelle les brasseurs mésopotamiens émiettaient du pain plat à base d'orge ou de blé amidonnier dans leur purée. Le soi-disant "bappir" (sumérien pour "pain à la bière") n'est jamais comptabilisé comme du pain dans les textes administratifs, mais dans les unités de mesure, comme orge grossièrement moulue.
Damerow souligne également le degré élevé de standardisation: ce qui signifiait que les quantités de matières premières allouées aux brasseurs par l'administration centrale est resté exactement la même sur de longues périodes, parfois même des décennies.
L' Hymne à Ninkasi comme recette...
Pour Damerow, même l' "Hymne à Ninkasi", l'une des sources les plus importantes sur l'art ancien de la brasserie, ne fournit aucune information fiable sur les constituants et les étapes du processus de brassage.
 Ce texte lyrique de l'époque paléo-babylonienne vers 1800 avant JC est un poème mythologique ou une chanson qui glorifie le brassage de la bière.
Malgré la versification détaillée, Damerow pense que la description de la procédure de brassage n'est pas concluante. Elle ne donne qu'un aperçu incomplet des différentes étapes. Par exemple, il n'y a aucune indication sur le moment clé où la germination du grain a été interrompu. On ne peut que supposer que l'orge était mis en couches et que la germination était arrêtée par chauffage et séchage du grain dès que l'embryon de la racine avait la bonne taille. 
Par ailleurs, le contenu de l'hymne n'a pas permi à la Grande Expérience Bazi (Tall Bazi Experiment) d'être concluante: il s'agit d'une expérience de brassage qui a été effectuée par les archéologues de l'Université Ludwig Maximilian de Munich avec des experts du brassage du Center of Life and Food Sciences Weihenstephan de l'Université Technique de München. L'objectif était de reconstruire l'ancien processus de brassage.
En utilisant la pression à froid, les archéologues ont réussi à produire un breuvage d'orge et d'amidonnier et à ajuster le niveau d'alcool en changeant le pourcentage d'eau. Mais pour Damerow, ce résultat doit également être traité avec scepticisme. Rien ne suggère que le processus de production élaboré dans les conditions particulières de Tall Bazi n'ai été effectué de la même manière dans d'autres lieux en Mésopotamie, puisque les conditions locales varient considérablement.
Ces incertitudes conduisent à une question, que l'auteur juge «beaucoup plus fondamentale»: dans quelle mesure est-il possible de comparer des produits anciens avec les modernes ? 
 "Etant donné nos connaissances limitées sur les procédés de brassage sumériens, nous ne pouvons pas dire avec certitude si leur produit final contient même de l'alcool", écrit Damerow.
Il n'existe aucun moyen de vérifier si leur bière n'était pas plus semblable à la boisson de pain kvas d'Europe de l'Est que de la Pilsner, Altbier ou la bière de blé. Néanmoins, Damerow considère l'approche des scientifiques de l'expérience Grand Bazi comme étant un bon moyen de trouver des réponses aux questions sur l'histoire des débuts de l'art du brassage.
"Ces efforts de recherche interdisciplinaire pourraient bien conduire à une meilleure interprétation de l'hymne à Ninkasi que ceux actuellement acceptés parmi les spécialistes qui travaillent sur la littérature cunéiforme", conclu Damerow.
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