Louis Aragon
C'est une chose étrange à la fin que le mondeUn jour je m'en irai sans en avoir tout ditCes moments de bonheur ces midis d'incendieLa nuit immense et noire aux déchirures blondes Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croitD'autres viennent ils ont le cœur que j'ai moi-mêmeIls savent toucher l'herbe et dire je vous aimeEt rêver dans le soir où s'éteignent les voix D’autres qui feront comme moi le voyageD'autres qui souriront d'un enfant rencontréQui se retourneront pour leur nom murmuréD'autres qui lèveront les yeux vers les nuages Il y aura toujours un couple frémissantPour qui ce matin là sera l'aube premièreIl y aura toujours l’eau le vent la lumièreRien ne passe après tout si ce n’est le passant C'est une chose au fond que je ne puis comprendreCette peur de mourir que les gens ont chez euxComme si ce n'était pas assez merveilleuxQue le ciel un moment nous ait paru si tendre Malgré tout je vous dis que cette vie fut telleQu'à qui voudra m'entendre à qui je parle iciN'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merciJe dirai malgré tout que cette vie fut belle Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle