Magazine Cinéma
C’est sur une banale envie de pisser que débute la love story atypique de Buffalo 66’. Avec cette rencontre improbable entre deux exclus - Billy Brown, taulard fraîchement libéré interprété par le réalisateur lui-même, et une Layla mutique, poupée blonde fragile kidnappée par ce dernier (Christina Ricci)- Gallo effectue ses premiers pas de cinéaste. Libre, dans la forme et le fond, de faire ce qui lui plaît, il signe une œuvre qui ne ressemble à aucune autre, quitte à forcer un peu le trait côté indé. Son personnage principal, qu’il nourrit à coups d’éclairs autobiographiques, lui donne l’occasion de traiter des thèmes habituels (rédemption, peur d’aimer, errance) de manière…inhabituelle. A l’instar des sentiments que le film provoque, l’ensemble est fait de paradoxes et de contradictions : la mise en scène, enveloppée dans un aspect brouillon qui ne cache rien de moins qu’une immense rigueur, regorge de trouvailles ; et, le drame, glauque et grisâtre, est le plus souvent désamorcé par un humour tranchant et pince sans rire.
Gallo jongle ainsi avec les genres, les tons, les ambiances. Même s’il n’échappe pas à un certain nombrilisme, parfois agaçant, il remporte l’adhésion lorsqu’il dévoile, derrière une rage apparente, une sorte de romantisme malade. Au fond, Buffalo 66’ est une vraie comédie romantique : une rencontre, un amour naissant, un happy-end. Sauf que Gallo transcende les codes (montage acéré, travail expérimental sur l’image, folie burlesque), transforme l’amoureuse en otage-potiche, et le don juan en petit garçon apeuré. Le film (tant mieux ou pas) ressemble beaucoup et au personnage principal et à l’auteur : il faut lui arracher un sourire, le forcer à l’étreinte. De cette bataille pour (s’)aimer, Buffalo 66’ s’en tire avec les honneurs, bien qu’un peu rude de prime abord.