Mont-Ruflet
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar
26e épisode
Résumé de l’épisode précédent : Qu’une femme soit une intellectuelle, ça ne gâche rien pourvu seulement qu’elle ait de longues cuisses. Pour le moment, Claudie est une petite fille sérieuse, abominablement myope et très pâle...
À glousser les yeux mi-clos (œufs mi-éclos ?) croisés sur le
Bout de mon nez. Brigitte et puis Josiane, Marie-France ou
Agnès... enfin, toutes ! J’en avais plus qu’assez que, toutes,
Elles m’agressent, et des fois, même, c’était allé plutôt loin.
Alors, avec Claudie, qui ignorait certainement qu’il y eût u
Ne différence physiologique entre les filles et les garçons...
Je me sentais à peu près tranquille ; bien sûr il fallait la sur
Veiller, qu’elle n’aille pas choir dans un trou ou ne se fasse
Décrocher ses lunettes du nez par telle tige ou bien ramille
Que (tellement miraude et ébleuite, comme on disait) elle n’ (1310)
Aurait pas vue venir. Enfin.. vous voyez le genre, je n’insis
Te pas. Donc, ça m’allait très bien, je lui montrais les arbres
« Et là c’est un chêne, et là un petit houx », tous les oiseaux
Les champignons, à l’occasion. Bon, mais un jour voilà que
Claudie me dit qu’elle veut qu’on joue aux « sauvages » là,
Tous les deux au fond du bois, parce qu’il y avait un rayon
De soleil tout blanc qui tombait obliquement : juste dans le
Petit retrait où nous étions, et elle a dit que « ça l’inspirait »
(Tel que) et qu’il fallait qu’on se mette tout nus (oh non !) et
Les vêtements, on en ferait un tas, qu’on cacherait sous des (1320)
Branches, et je devrai bien mémoriser où : qu’on soit sûr de
Le retrouver (tu parles ! que je vais le « mémoriser » !! je ne
Nous vois vraiment pas rentrer culs nus au village, serrant
Les fesses et nous tenant benoîtement la main !). J’ai essayé
De lui représenter les risques que son idée nous faisait cou
Rir : l’instit’ qui courait dans ces bois, justement, préparant
Le prochain championnat des Flandres de cross ; et le gard
E du vicomte, peut-être à repérer le terrain pour une proch
Aine chasse à courre ; ou les bracos, les ramasseurs de pleu
Rotes et autres champignons, les cueilleurs de jonquilles et (1330)
Voire des romanos, qui sait ? ou peut-être d’autres écoliers.
Et j’oubliais encor les bûcherons. L’air de rien, il pouvait se
Trouver qu’il y ait pas mal de monde dans une forêt. Mais,
Rien à faire : Claudie ne voulut rien entendre elle était trop
« Inspirée » (comme elle redisait) et il me fallut comme elle
L’avait fait déjà me dépiauter.Elle était toute blanche, avec
Des traces, allusives, de jaune, rose, bleu (sous la peau peut
-Être), le soleil, passé à travers l’oscillante ramée lui mettait
Sur les épaules, le haut des fesses, des festons et guirlandes
De lumière...Claudie avait amené un masque qu’elle s’était (1340)
Confectionné avec le fond d’un vieux panier, et elle déclara
En le passant. «Je ne veux pas qu’on me voie nue même pa
Toi et c’est pour ça que je me cache le visage. Si je rougissai
S c’est alors que je me sentirais vraiment toute nue, si toi tu
Pouvais voir que je rougis, comprends-tu ? – Oui... enfin, je
Suppose que oui. – Mais oui ! bien sûr que oui, tu as compr
Is, tu n’es pas si bête ! Alors voilà... Mais... la prochaine fois
J’irai sans rien du tout sur moi, je ne suis pas habituée à sen
Tir comme ça l’air, en même temps sur toutes les parties de
Mon corps. Il y a de la honte, oui, je le sens bien ; mais c’est (1350)
La honte de ma peau, pas de mon cerveau.» En ce qui, moi,
Ivar, me concernait, je me sentais un peu serré par l’air frais
épisode 27 le vendredi 3 février 2012