Un sujet peu coutumier du grand écran, une réalisation tout aussi surprenante. Pour dire le désamour, l’instinct maternel qui s’effrite ,au point de la rupture, et du drame . Lynne Ramsay raconte son histoire ,en un incessant va et vient ,entre hier et aujourd’hui, sans user un instant ,du conventionnel flash-back. Ca coule de source, c’est une histoire intemporelle et la vista de la cinéaste, est d’une magnifique complicité.
Eva et Kevin, la mère et le fils, sont en bisbille, quasiment dès les premiers pas du bambin. Une tension de tous les instants, et des silences, qui pèsent des tonnes. Elle cherche à comprendre, et lui, la fuit, la provoque, l’ignore.
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C’est un bout d’chou qui fait déjà grand. Son père (John C. Reilly ) est maladroit, très copain, trop copain. Quand la petite soeur débarque, ça n’arrange pas l’ambiance dans la famille qui peu à peu se délite.
J’arrête là, pour la psychologie, le cinéma de Lynne Ramsay s’en charge, très bien. A la limite, on ne raconte pas. On se laisse prendre. A cette musique, très présente, elle-aussi, actrice à part entière, comme dans cette scène magnifique , où la mère, rentre la nuit d’Halloween, bouleversée, toujours en quête de ses « pourquoi ». « Every day » l’accompagne, contraste saisissant, fabuleux, cauchemardesque.
A cet instant, on ne sait pas encore ce qui s’est réellement passé dans la vie d’Eva, que l’incroyable Tilda Swinton , porte à bout de bras,à tout cœur. Par bribes, des échos du passé, des images enfouies, ressurgissent pour construire son existence, déjà laminée, et qui maintenant s’expose au grand jour de notre curiosité.
La caméra de Ramsay demeure pourtant bien discrète dans ce grand déballage des sentiments, et les jeunes comédiens qui tour à tour, interprètent Kevin, eux aussi extraordinaires, font preuve de la même retenue. On s’y attache, et le talent de Ezra Miller, y est certainement pour quelque chose.
Il se mêle à cette symphonie désordonnée, orchestrée par le roman noir de la vie, et ses aléas. Implacable constat d’un réalisme troublant. On en ressort forcément secoué. L’enfance est-elle si cruelle ?
- Rencontre avec l’équipe
La réalisatrice raconte son film, le choix de ses acteurs, qui tour à tour prennent la parole, dont souvent Tilda Swinton : « Ce film, c’est le pire cauchemar d’une femme ayant songé avoir un enfant, avoir de l’aversion pour lui, ça tient du film d’horreur. (…). De toute façon j’aurais été attirée par ce scénario, un thème jamais traité ; il est tabou de montrer que l’instinct maternel ne fonctionne pas ».
Pour John C. Reilly , « le film va plus loin que le bouquin, il fouille au plus profond de l’intimité d’une mère qui vit ça. C’est une méditation sur la parentalité, un film à la fois visuel et impressionniste ».