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Jean-Paul Michel (anthologie permanente)

Par Florence Trocmé

« La vie crue, sans phrase, 
avait été perdue. » (1990) 
 
Des oliviers plantés avec soin devant nos yeux couvrent 
comme une mer la sèche 
montagne. Les hommes, ainsi, habitent, 
de leur talent l’espace entier du vivable ils 
façonnent un visage tenable devant  
le chaos des monts : c’est  
la torche qu’ils allument leur 
poème – devant le tout de l’être, avec modestie, 
ferveur. Cette poursuite de travaux salubres est  
leur marque. Une cloche soudain taille dans le silence un  
ordre On remercie, reconnaissant, de 
ce qu’une musique humaine puisse  
borner le silence donné – ce don 
d’un monde plus grand et  
meilleur 
 
Ces signes ne sont pas sans portée. Puisses-tu 
carillon matinal valoir métaphore pour 
un signe vers 
le tout de l’être en sa beauté terrible – d’un coup surgi depuis 
attisant nos désirs ! Puisses-tu 
poème comme un cri scander 
à l’égal de ces notes dans l’aube – et, comme elles, d’assez de portée un chant 
pur 
À cette condition, la parole n’aurait pas été  
chose vaine 
 
Penser est habiter Il n’y a d’autre mesure que la parole 
L’Être n’a pas de plein La vérité est son voile Chaque  
possibilité nouvelle de la parole, de ce voile, un pli  
nouveau. Chacun de ces plis porte  
le chiffre d’un poète.  
 
Premières heures du matin, devant la mer d’oliviers,  
Delphes, 04. 08. 96 
  
Jean-Paul Michel, « Je ne voudrais rien qui mente, dans un livre. », suivi de « Défends-toi, Beauté violente ! », édition nouvelle, Flammarion, 2010, p. 250-251.  


S’il était permis à l’auteur 
d’élire un rival à  
son livre,  
idéalement je voudrais 
que, pour ce recueil, ce fut 
l’inimitable musique de  
ce qui est. 
 
[…] 
 
« Comment sauver poème qui ne sauve… » 
 
Comment sauver poème qui ne sauve 
ce qu’il aime (nomme) 
le – très réellement – garde 
sinon de tout oubli 
– puis qu’il n’est de beautés que promises 
à perte – du moins 
pur 
de toute atteinte méprisable & 
vers « la pointe la plus fine des temps » 
porte 
son simulacre scintillant ?  
 
Serions-nous si vains que puissions 
de quelque façon prendre 
notre parti d’échouer 
quand cette tâche – seule – peut valoir 
que l’on trace, incise, grave 
prie ?  
 
D’avoir été seulement nommé 
dans la juste cadence d’un vers 
sacre 
ce qui ne doit périr.  
 
Puissé-je assez loin nourrir non l’illusion mais  
assez fort le goût de la bataille pour 
à bras-le-corps saisir lutter prendre 
donner forme réelle 
ne manquer 
à cette folie – seul devoir ! 
 
Sauf à la honte.  
 
Marsala, 6 août 1994.  
 
Jean-Paul Michel, « Le plus réel est ce hasard, et ce feu... », Cérémonies et Sacrifices (1976-1996), Flammarion, 1997, p. 7, 203-204 
 
 
[proposition de Matthieu Gosztola – lire l’entretien avec Jean-Paul Michel


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