Décidemment, je passe mon temps à me contredire, puisqu’aujourd’hui, pas de sujet crétin, mais la critique du nouveau film de Michel Gondry. Après une bande-annonce sympa et un marketing très intelligent, permettant de visionner sur Youtube des films suédés créés par les fans, que vaut réellement ce nouvel opus ?
Be Kind Rewind – Créativité et films amateurs
Jerry est un glandeur professionnel, squattant toujours le club vidéo de son pote Mike. Devenu obsolète car ne proposant que des VHS, le petit club à du mal à joindre les deux bouts financièrement. Pire, après une tentative de sabotage ratée dans une centrale électrique, Jerry devient magnétique et efface par mégarde toutes les cassettes. Pour éviter que son patron ne le vire Mike décide de retourner les films effacés avec les moyens du bord.
Michel Gondry est un trublion, connu pour ses clips toujours originaux (Daft Punk, Bjork…) et ses univers toujours en marge de la production actuelle. Au cinéma, on lui doit Human Nature (fable sur un homme retournant à l’état animal), Eternal Sunshine of The Spotless Mind (où un homme décide d’effacer tous les souvenirs qu’il a de son ancienne petite amie) et enfin La Science des Rêves (où un créatif rêveur tente de séduire sa voisine de palier). A chaque fois, Gondry fait du jamais vu. Scénarii décalés, grande part de fantaisie et de légèreté, trouvailles de mise en scène, il ne fait décidément rien comme tout le monde.
Son nouvel opus est une déclaration d’amour à l’art collaboratif. En effet pour sauver leur boutique, Mike et Jerry vont mobiliser leurs amis et leur voisinage. Ils vont ainsi remaker a peu près tout le palmarès des grands films connus dans des « super-productions » amateurs bricolées avec les moyens du bord. C’est surtout leur grande créativité que Gondry met en avant. En effet, comment tourner Ghostbuster en seulement deux heures et sans budget ? Comment produire rapidement Rush Hour 2, sans comédien asiatique et sans cascadeur ?
Et finalement en y mettant leurs tripes et leur cœur, ces petits artisans créent des films au contenu émotionnel beaucoup plus fort que ce que produisent les grosses machineries holywoodiennes. Le maître mot restant « Créativité ».
En tournant ce film, Gondry prend du recul par rapport à ses propres méthodes créatives. On le sait imaginatif, capable de mixer pâte à modeler, stop motion avec des petits personnages en laine, décors en carton…. Et c’est cet amour du Système D, du super cheap mais avec un cœur gros comme çà, qu’il nous envoie à la figure deux heures durant. Alors certes le film relève presque de l’utopie, car arriver à rassembler toute une communauté autour d’un projet créatif est tout sauf une chose aisée. Mais c’est une des valeurs en lesquelles Gondry croit profondément. Et c’est finalement cette naïveté, ce regard d’enfant de bientôt 40 ans, qui donne toute sa force à Be Kind Rewind.
Au niveau du casting, quelques bonnes surprises aussi. Jack Black, dans le rôle de Jerry, continue à faire du Jack Black, à la fois grimaçant, agaçant, too much et bigger than life (on adore ou on déteste). Mos Def, qui jusqu’ici ne m’avait jamais étonné car je le trouvais toujours à côté de la plaque, campe un personnage vibrant d’émotion. Que dire également de Danny Glover, vieux patron de la boutique, et toujours impeccable, ou encore de Mia Farrow qui nous fait un come-back surprise dans son petit rôle de cliente fidèle ?
Be Kind Rewind fait rire, car il reprend tout au long du film des scènes de grands classiques en les retournant au coin d’une rue avec deux bouts de ficelles et un peu de carton. On voit donc devant nous des versions qui finalement ne perdent rien de leur puissance suggestives, car animés d’une force créatrice impressionnante.
Bref : légèreté, bonne humeur, clins d’œil appuyés aux petits artisans (avec lesquels je m’identifie forcément, vu mon projet actuel de court métrage), amour du système D, émotion… une sacré bonne recette que nous sert le père Michel ! Un film dont on ressort avec la banane, en se sentant léger comme une bulle de savon.