XI
J’entends rôder par les jardins la population de la pluie.
Ces pieds nus infiniment doux qui semblent revenir
D’un pays oublié, passent en moi comme à travers
Le feuillage tout neuf d’un vieil arbuste,
Lilas ou cytise enfin redéplié sous le ciel gris
De la cour qui s’enfonce avec la tourterelle
Au fond d’autrefois sous la pluie.
Je ne sais pas qui se souvient de visages mouillés,
Tendres comme des fleurs dans les branches qui ploient à peine
Sous ces pas innombrables. Je suis
L’espace où la douceur ancienne s’approche, l’herbe
Dont chaque brin porte une goutte où l’instant et le ciel
Et les jardins sont enfermés comme dans une perle
D’éternité mais qui tremble, c’est le printemps.
Jacques Réda, Retour au calme, Gallimard, 1989, p. 103
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