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Publié le 08 février 2012 par Dubruel

LA RELIQUE

Mon cher abbé,

Mon mariage avec Andrée,

Ta cousine, est compromis

À cause d’une mauvaise plaisanterie

Que j’ai été bien sot de lui faire.

Si tu pouvais me tirer d’affaire,

Je t’en saurais gré.

Élevée dans un pensionnat religieux,

Andrée est restée très pieuse,

Tu le sais,

Or voilà que la semaine passée,

La ville de Cologne m’invite

Pour donner

Une série de conférences

Dans mon domaine de compétence :

Les maladies du nouveau-né.

J’annonçais à Andrée mon voyage.

Elle fondit en pleurs.

Je lui parlais de mon retour ;

Elle s’écria : -Quel bonheur !

Rapportez-moi dans vos bagages

Un petit souvenir. Merci, mon amour.

Sachant sa dévotion fanatique,

Et mon séjour allemand

Se terminant,

Je lui achetais une relique :

Un bétit os des once mille fierges

Et pour faire un compte rond, deux cierges !

Tu tolères, dis-tu

Ma froideur d’âme, cher abbé,

Et tu partages mes doutes absolus

À l’égard des brocanteurs de piété.

Figures-toi

Qu’arrivé chez moi,

Je m’aperçus

Que j’avais perdu

Mon minuscule cadeau.

Je me suis donc vite procuré

Un éclat d’os

…De goret !

Puis j’allai retrouver ta cousine :

-Que m’avez-vous rapporté ?

Je fis semblant d’avoir oublié.

Elle me fit une de ces mines !

Je me laissai prier, supplier.

Quand je la sentis éperdue de curiosité,

Je lui offris le saint médaillon.

Elle baisa la parcelle de cochon

-Oh ! Une relique !

Est-elle authentique ?

-Absolument, je l’ai volée pour vous.

-Mais où ?

Je m’enferrai dans mon mensonge initial :

-À Cologne, dans la cathédrale.

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J’ai glissé la main entre vingt cierges,

Et réussi à ouvrir la châsse même

Des Onze Mille Vierges.

-Oh ! Que je vous aime !


 

Cher abbé, remarque ceci :

Pour Andrée, j’avais commis

Le viol d’une châsse sacrée

Et pour ce sacrilège, elle m’adorait.

Telle est la femme,

Toute la femme !

 

J’étais le plus parfait des fiancés !

Andrée avait placé

La divine parcelle

Sur une sorte d’autel.

 

Par crainte d’être condamné,

Je l’avais priée de garder le secret,

Mais voilà qu’au commencement

Du mois de février,

Elle apprenait (mais comment ?)

Que la châsse était inaccessible.

Le vol était donc impossible !

Elle avait compris

Ma supercherie.

 

Une heure après,

Andrée

Me rendait ma liberté.

Du moment que je n’avais pas été

Le voleur d’un objet sacré

Elle m’interdit dorénavant l’entrée

De sa maison.

Pour m’accorder son pardon,


Elle désire une relique,

Une vraie, certifiée, authentique.

Ceci me rend fou d’embarras.

 

Connaitrais-tu un chapelain

Voire un prélat,

Collectionneur de fragments saints,

Susceptible de me céder l’objet réclamé ?

Sauve-moi, je t’en prie, cher abbé.

Je te promets

De me convertir sans délai !

Et fais en sorte qu’Andrée

Ne soit la onze mille unième !

Je l’aime.

 

Ton Honoré.

 

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Cet article est extrait du tome 3 (à paraitre prochainement)

Ce volume aura pour titre : « 46 bonnes histoires, d’après Maupassant »

Déjà parus aux éditions Edifree :

Tome 1 (34 contes)

Tome 2 (40 contes)

 

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La religion ne nous fait pas bons,

mais elle nous empêche de devenir trop mauvais

Louis de Bonald

 

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