Magazine Cinéma
Avant Entretien avec un Vampire (93), ou les récents A Vif (2007) et Ondine (2009), Neil Jordan remportait l’Oscar du meilleur scénario avec The Crying Game, époustouflant jeux de faux semblants et bouleversante rencontre de personnages. Pour se délecter au mieux de ce film à tiroirs, sensible et audacieux, il faut en savoir le moins possible. [ La suite de la critique ne contiendra donc aucun spoiler]. Tout débute au beau milieu d’une fête foraine: Jody (Forest Whitaker), soldat britannique, est enlevé par l’IRA, pris en otage, menacé d’exécution. Lors de sa détention, il se lie d’amitié avec l’un des kidnappeurs, Fergus (Stephen Rea), homme au grand cœur malgré ses activités politiques extrémistes. Se croyant condamné, Jody lui fait promettre de retrouver Dil (Jaye Davidson), une femme dont il est éperdument amoureux. Utilisant comme de point de départ, une célèbre nouvelle irlandaise ("A guest of the nation"), Neil Jordan crée une œuvre troublante parce que constamment surprenante.
Dès le départ, les schémas se renversent, se modifient ; les limites sont bafouées, les lignes franchies : le kidnappeur n’est pas le méchant que l’on attendait, l’issue de leur confrontation prend à revers les attentes, le scénario dans lequel nous entraîne Jordan n’est pas celui que l’on croit. The Crying Game, duperie géante au romantisme vénéneux, trompe et émeut tout à la fois. La suite de l’histoire dévoile des enjeux jusque là insoupçonnés, et, même si l’on pressent LA grosse révélation du milieu (qui a bâtit toute la réputation du film), l’essentiel n’est pas là, le cinéaste trouvant un second souffle dès l’instant où le secret est éventé. Se concentrant sur des protagonistes touchants et atypiques, revisitant les codes et du film noir et du film d’amour, Jordan déroule une belle réflexion sur la nature humaine et individuelle, et le rapport à la différence. Du jamais vu.