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On y était : Festival Mo’Fo’ 2012

Publié le 11 février 2012 par Hartzine

On y était : Festival Mo’Fo’ 2012 Festival Mo’Fo’ du 27 au 29 janvier à Saint-Ouen

Si certains festivals diluent leur identité sur l’autel du sponsoring (suivez mon regard), d’autres maturent leurs ambitions sur les solides bases que celle-ci leur confèrent. Il en va du Mo’Fo’ qui, comme chaque année, investit Mains d’Œuvres le dernier week-end de janvier. Premier des festivals indés de l’année, ou plus petit des grands festivals, au choix, on débarque à Saint-Ouen le cœur léger, persuadé de la bienséance des mascottes successives, du zèbre de 2010 (lire) au panda de 2012 (lire), en passant par le rhinocéros de 2011 (lire). Et la programmation ne manquait d’émoustiller notre curiosité – entre valeurs sûres de la folk contemporaine (Radical Face, Loney Dear), figures de proue de labels français exigeants (Yeti Lane, Frustration), jeunes pousses (Maison Neuve) et vieux de la vieille (The Country Teaser) – malgré une menace de fermeture administrative, obligeant la valeureuse organisation à vider les lieux chaque soir aux douze coups de minuit.

On y était : Festival Mo’Fo’ 2012

Vendredi, 27 janvier 2012, 18h, je me plie au rituel de l’interview d’avant festival. Gablè en 2010, Cheveu en 2011, Maison Neuve cette fois-ci, la mise en bouche est d’autant plus à propos que le groupe, récent auteur d’un Joan paru l’année passée la structure bordelaise sur Talitres, ouvre le bal et ce dès 19h30 tapantes. Sans doute un peu trop tôt pour apprécier à sa juste valeur l’intensité stylistique de ces morceaux ciselés de guitares et transcendés de saxophone. A la lisière d’une maturité patiente et éprouvée – quatre ans tout de même – il se dégage de leurs compositions, une écriture sereine et personnelle, se débarrassant peu à peu des poncifs trop souvent cités à leur encontre (The Field Mice, Young Marble Giant). Une entame convaincante donc – souffrant peu être de la timidité d’un public pas encore au complet et s’enquérant de ces premières gorgées houblonnées – à mille lieux d’être transformée par Concorde, sorte de Vampire Weekend à la française. 25 juillet 2000, Gonesse, un carnage maculant d’une centaine de morts le crash d’un mythe. Je n’en dirai pas plus. L’espace pro essuie nos visions d’horreur, histoire d’appréhender coup sur coup deux figures d’un genre collant à la peau du Mo’Fo’ : cette folk intime et dépenaillée, marivaudée par autant de clochards célestes qu’elle ne compte de monstres sacrés. Le suédois Emil Svanängen, plus connu sous le patronyme de Loney Dear, ne se fait ainsi guère prier pour tenir l’assistance en haleine, chorégraphiant binairement son ultime Hall Music (2011), entre orfèvrerie gracile exécutée assis et lyrisme électrifié dégoisé de pied. S’ensuit l’américain barbu Ben Cooper et son projet à haute maturation Radical Face. Cinq année pour chiader son The Family Tree: The Roots (2012), forcément ça en impose et sur scène ça se transmet. Vingt-neuf piges, mais abîmés par la vie, Ben Cooper s’excuse d’avoir le cul posé sur une chaise tout en imprimant dès ces premières cartouches son paradoxe bien à lui, soit la transfiguration d’un univers éminemment glauque et sordide en musique des grands espaces, où la verve d’un Will Oldham croise le fantôme démantibulé de Vic Chesnutt (lire). Le temps se fige, et ce n’est que lui rendre grâce. Poli, le désormais duo Yeti Lane, que l’on avait déjà croisé lors des dix ans de Clapping Music (lire), n’use pas non plus de The Echo Show, à paraitre en mars 2012, pour accélérer celui-ci : volutes atmosphériques drapées de synthétiseurs analogiques, les compositions s’arrogent la minutie et la subtilité de leur déploiement dans un entrelacs psychédélique, où les distorsions emboitent le pas à des envolées pop autrefois personnifiées par Jason Lytle et ses bucherons de Grandaddy. L’humeur est cotonneuse. Difficile de rentrer dans ces conditions dans les méandres de la création collective et altruiste du label strasbourgeois Herzfeld, qu’est l’Herzfeld Orchestra, soit quinze musiciens confinés sur scène et présentant un second album prévu pour avril. On aurait bien aimé, mais non, l’indicible, lové dans de nouveaux horizons noctambules, prenait définitivement le dessus.

On y était : Festival Mo’Fo’ 2012

Si Cheveu défrisait l’auditoire l’année passée à la même date, ou presque, l’ombre des trois parisiens planaient de bout en bout ce samedi puisque les zigues cochaient trois noms sur huit au titre de leur coup de cœur. Sans parler de leur voisin de label, Frustration. Nul doute donc, que l’ensemble serait un peu plus remuant que la veille et ce n’est pas le one man show de Mein Sohn William qui démentira cette spontanée assertion. On ose à peine imaginer le foutoir qui doit se tramer dans une cervelle capable d’enfanter solitairement un genre aussi improbable que le math-folk, muni seulement d’une guitare électro-acoustique, de pédales d’effets et de quelques machines lui permettant de dédoubler sa voix. Aucun temps mort pour le rennais qui radine dans un même élan sonorités punk et attitude burlesque, délivrant l’essence de son premier LP éponyme, accouché sous les hospices d’Ici d’Ailleurs (2012). Brutale fut la chute de tension provoquée par le duo neurasthénique Winter Family. Redite du calvaire vécu lors de leur passage au point Éphémère, il faut être fan (lire) ou avoir la volonté d’en finir d’ici peu pour soutenir intégralement tant d’affliction musicale, naissant non pas d’une nullité des compositions – continuum arides mais complexes sculpté de drones, de field recording et d’une voix plus proche du théâtre que du chant – mais de l’immobilité vaine de leur accomplissement. Pour un peu le quatuor reformé Crack Und Ultra Eczema nous redonne cette joie de vivre, celle insufflant un zeste légèreté dans le fait intangible que nous sommes tous voués à crever. Mais qu’un peu, puisque l’impression d’assister à un truc vu et revu nous fouette les guiboles d’impatience (Viva and the Diva l’année passée). Et quitte à repasser les plats, autant que ce soit en compagnie de Frustration, darons de l’écurie Born Bad, qu’on ne se lassera jamais de voir sur scène. Si l’on avait craint un certain essoufflement lors d’un concert à la Gaité Lyrique, les doutes sont balayés instantanément par l’entrain mis à électriser la salle de l’introductif We Have Some aux cimes punk/new-wave de Relax ou No Trouble. Si Too Many Questions semble un peu faiblarde dans son exécution les quelques inconnues du set sont autant de bonnes claques assénées d’un revers de manche. La marche est haute mais loin d’être inaccessible pour les reformés The Country Teaser et leur gouaille frondeuse, à la croisée des chemins entre post-punk, garage et folk lo-fi. Formés en 1993 par Ben Wallers, jouant désormais seul sous le nom d’emprunt de The Rebel – ça ne s’invente pas – la verve des écossais semble intacte malgré un certain radoucissement de leur art congénital d’être imbuvable. Non loin d’un Mark E. Smith (The Fall), question musique et sociabilité, on se laisse trimbaler sans peine dans un univers évoquant plus les déserts texans que les highlands, et tutoyant les sommets du genre avec Golden Apple (voir). Une façon de dire au revoir prématurément à l’équipe du festival, une bourrade dans l’épaule, et d’opiner sur une plus qu’éventuelle revoyure. En 2013, si le calendrier Maya le permet.

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