C'est un film un tantinet longuet, qui va, bien évidemment, à rebours des productions survitaminées et bruyantes dont on nous abreuve généreusement. Take shelter raconte la paranoïa? la formidable intuition d'un homme? quant à l'imminence d'une tornade. Tout le film repose sur cette incertitude: Curtis LaForche pressent-il la catastrophe? Est-il doté d'un pouvoir exceptionnel ou bien glisse-t-il tout doucement vers la folie? Et dans ce cas, il hérite de la pathologie de sa mère définitivement enfermée dans une résidence médicale poour cause de schizophrénie.
Cette obsession cauchemardesque entraîne toute sa famille vers la tragédie car ses comportements imprévisibles, incompréhensibles affolent sa femme et sa fille muette. La communauté à laquelle il appartient jase et se méfie, colporte bien des rumeurs. Curtis travaille sur un chantier. C'est un ouvrier, un Américain moyen qui s'échine à faire vivre du mieux qu'il peut son épouse et son enfant mais les images terrifiantes de la tornade gangrènent son équilibre mental. Il va jusqu'à hypothéquer sa maison pour construire un abri anti-tornade, "emprunte" ce qui lui est nécessaire chez son patron et se fait donc licencier. Or, conscient de ses dérapages, il cherche à comprendre et à conjurer le sort, la malédiction de la démence en consultant des psychologues. Curtis veut comprendre mais parallèlement à cela, il continue obsessionnellement à construire son abri anti-tornade.
Take shelter oscille toujours entre ces deux pôles: le film d'angoisse, de terreur avec des images purement hitchcockiennes et le film fantastique.
La tempête a bien lieu, sinistrant un peu plus une Amérique menacée par les périls économique, écologique et politique. Curtis avait donc bel et bien raison mais la fin du film, rétrospectivement, ne l'éclaire pas du tout. Bien au contraire! On plonge de nouveau dans l'incertitude la plus totale.
