Les images que présente Yves Trémorin à la galerie Michèle Chomette (jusqu'au 3 mars, puis, en partie, jusqu'au 12 mai) sont-elles des photographies ? Ce sont en tout cas des images que le photographe n'a pas vues, des photographies qu'il n'a pas prises, des abstractions (?) post-photographiques dans lesquelles nous pouvons lire ce qu'il nous plaît de voir. J'ai vu ici une femme en burqa, le vent s'engouffrant dans son voile, ou bien une princesse de science-fiction, issue d'un Dune médiéval.
Bien sûr, une photo voisine, plus ancrée dans le réel, dévoile le sujet que tel pli, telle nervure, tel duvet pouvait laisser
entrevoir à l'oeil exercé : des insectes, leurs ailes, leur carapace, leurs pattes, leurs pinces, leurs tentacules. Ainsi agrandis, ils ont l'air guerrier et menaçant, futurs maîtres du monde, survivants de l'apocalypse ayant éliminé les pauvres humains dans nos cauchemars nucléaires.Le (macro?) photographe serait-il aux aguets, tapi dans les bosquets pour saisir la mouche de passage, "l'oeil scalpel" prêt à dévoiler la beauté du monde entrevue dans l'objectif, tel Blossfeldt, Boiffard, Dora Maar ou Painlevé ? Que non point ! Il est confortablement assis devant son ordinateur, concentré sur son travail philosophal de transformation de la science en art, du fichier électronique en image photographique (alors que, depuis l'avènement du numérique, c'est le chemin inverse qui est suivi, d'ordinaire). Il n'est qu'un révélateur d'images, comme Floris Neusüss avec ses photogrammes nocturnes, ou Susan Derges et ses empreintes de rivières. C'est là de la matière visuelle à l'état pur, sans apprêts, sans vision subjective, sans représentation référente.
De quoi s'agit-il ? Je reprends les explications de Jean-Marc Huitorel dans le communiqué de presse : "Le sujet... est placé dans la chambre à vide d'un microscope électronique à balayage, privé, sinon de lumière, du moins de celle que nous percevons ordinairement en milieu ouvert... On le saupoudre à l'or afin de le doter d'un corps conducteur. La surface soumise au faisceau d'électrons réémet certaines particules qui sont transférées sous forme d'images par des capteurs sur l'ordinateur... L'image est ensuite travaillée avant d'être tirée sur papier chromogène brillant et encadrée." L’accès à la technologie permettant la réalisation d’électronogrammes ou d'électronographies (puisque c'est leur nom) a été fourni à Yves Trémorin en 2009 puis en 2011, par le laboratoire de l’IUT de mesures physiques de Bourges, alors dirigé par Jean-Pierre Martin, via Stéphane Doré, directeur de l’École d’art de cette ville. J'avais eu la chance d'en voir une des premières il y a un an à l'Hôtel Fontfreyde à Clermont.
Pas vue encore, l'exposition du même Trémorin à Pontault-Combault, La dérivée mexicaine (jusqu'au 15 avril).
Photos courtesy galerie Michèle Chomette, Paris : Soleils noirs - Électronogrammes 2009 et 2011. Tous sont des tirages chromogènes lambda sur papier, marouflés sur aluminium et encadrés (sans verre ni plexi), 62 x 82 cm. Yves Trémorin étant représenté par l'ADAGP pour les droits sur internet, les images seront ôtées du site à la fin de l'exposition.