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François Cariès (anthologie permanente)

Par Florence Trocmé

Après un long silence, François Cariès a publié récemment La Belle page, précédé de L’ami des amitiés, aux Éditions Obsidiane. Lire la note de lecture que Jean-Pascal Dubost a consacrée à ce livre.  
 
Cantique tsigane 
 
Que s’ouvre la toiture de l’été 
Et les enfants se lavent en foule 
Sur le visage de la mer. 
 
Ils ne liront jamais la geste illisible, 
Drapée de mangue et menottée de chapelets, 
Intraduite. La musique trop immense 
Du silence ne joue pas sous leurs mains. 
 
Ni, pardi, sous la mienne. 
 
Enfants, petits, enfants réjouis, demi-géants, 
Allongez l’adjectif de la bave. Benjamins du soleil, 
Derniers des dieux, ne buvez rien à la mamelle 
Des cantates voisines.  
 
(refrain, des voyous, sur l’air de leur hymne) 
 
Nous arracherons notre loup, masque du masque, vanité du miroir. 
Les yeux sont des couteaux à gibier, 
Le nez le double abîme de la gloire. 
 
Honte au simple, l’inhabité, le démeublé, la rigole, 
Sèche. Simple ! nom clérical des crétins de Dieu ! 
Ta bouchée, ta cuillérée, c’est la ciguë du rossignol. 
 
François Cariès, La Belle page, précédé de L’ami des amitiés, Obsidiane, 2011, p.53 
 
|○| 
 
Ode à soi 
 
Des livres d’os, du gibier sur la porte, des ciseaux feutrés 
Et l’élan de cheval de ton verbe, font le meuble de ta case. 
Repue d’albums et tirelires. Mère maison, en ton quartier, 
L’amour zélé guérit tes rêves. La crasse malavisée du matin 
De toi se dit jalouse, plus que du feu. La rêverie te baille 
A peu de florins, le loyer de mon suc. 
 
Au front la couronne rogne. Surnature, passion de moi, copie trahie ! 
L’âme aimerait assez te dévorer, autre âme. Le vivant de ma classe 
(Bouc surgi qui souffle aussi mal que de pauvres poétesses) 
Croûte purement la  frite et la friture. Moi, vautré sur mon temps, 
Je ne bois d’eau que de Cana, sans furie. Ici, la femme des femmes : 
« Tu es plus laid, je suis moins belle, soyons meilleurs ». (Son cou, 
Son pas coulé, son sourire de fleur supérieure, tout l’endosse. 
Ainsi la Néréide à tâtons sur du coquillage, apaise le discord 
Sexué de porcelaines.) – Halte, je dois ourdir ta bouche obtuse. 
Minimes dans ta main sont bijoux et chatons… » 
La pie et la fierté, pleines d’adverbes, de génitifs, voyez-vous,  
De sang, de plomb, de plume et d’arquebuses, singent le silence. 
Tel un chien consolé par un ours le poème s’endort. En rêve, 
Il s’élance vers le lit des tam-tams, le nid blanc. 
À l’aube, l’impatience éraille son morfil. Dans des trous de bouse, 
Par dédain d’étendard, l’Inde se lave. Rouge et bleu comme Christ, 
Un forçat gambade. Mère Amour, enfante-nous sept mille amours,  
Les miennes. (Entends-les siffler ça : Primitif, bois dans ta main.) 
 
Le bon goût dicte aux moines mondains : « Dès matines, vous écrirez. 
J’aurai ma steppe d’air et de rosée. 
Ce soir l’eau coule blanc, la montagne s’échoue. A demain 
Herbes chéries. » 
 
François Cariès,  La Belle page, précédé de L’ami des amitiés, Obsidiane, 2011, p.44 
 
Bio-bibliographie de François Cariès 
 
[choix de Jean-Pascal Dubost] 


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