“Water ?- Oh no thank you sir, no. Fish make love in it”.En revoyant dimanche à la Cinémathèque Indiana Jones et la Dernière Croisade, j’ai découvert que cette réplique culte, discrète mais hilarante de Marcus Brody, personnage emblématique de la saga imaginée par George Lucas et Steven Spielberg, n’était pas traduite dans le sous-titrage français du film. Une réplique digne des Monty Python couvée dans un film d’aventures de Steven Spielberg, passée sous silence pour le public français. En la revoyant, je me suis alors demandé si cette réplique existait dans la VF du film, mais il semblerait bien qu’elle ait également été évacuée dans le doublage.
Pourquoi donc commencer mon billet consacré à Indiana Jones et la Dernière Croisade à cette réplique iconoclaste du film ? Je n’en ai aucune idée, sinon qu’il me paraît tellement aberrant de passer sous silence un délice de réplique pareil que je me devais de l’exprimer. Et comme j’ai tendance à être tête en l’air, autant le mentionner d’emblée. Et voilà que je suis parti de travers sur mon récit à la Cinémathèque, un de plus pour redécouvrir un bijou de Spielberg sur grand écran. Il y avait tellement d’autres façons d’entamer ce texte.
J’aurais très bien pu vous dire que ce troisième volet des aventures de l’archéologue aventurier a toujours été mon préféré de la série, même si la noirceur du Temple maudit a marqué l’enfant que j’étais. Il était donc hors de question de passer à côté d’Indiana Jones et la Dernière Croisade à la Cinémathèque. Avec Hook et Jurassic Park, c’est probablement le Spielberg que j’ai le plus vu. Si je n’avais pas déjà vu plusieurs films lors de la rétro à la Cinémathèque, et donc su qu’il n’était pas besoin de venir trop longtemps à l’avance pour être bien placé, je serais certainement arrivé une heure avant le début du film afin d’être sûr de m’asseoir à la meilleure place de la grande salle.
J’aurais également pu commencer en énonçant mon regret de ne pas être un des nombreux enfants présents dans la salle ce jour-là, emmenés par leurs parents désireux de faire découvrir à leurs bambins (façon de parler) ce héros qui les a eux-mêmes fait rêver quand ils étaient à peine adultes pour la plupart. Découvrir Indiana Jones dans une salle de cinéma, quel effet cela doit faire. Mais comme pour les autres films de Spielberg redécouverts sur grand écran, notamment Les aventuriers de l’Arche perdue, la jubilation qui était mienne au moment où la lumière s’est éteinte valait toute la jeunesse du monde (on n’aurait pas l’impression que je suis un vieux croûton avec cette phrase par hasard ?).
J’aurais encore pu annoncer d’entrée de jeu que si cette fois je me suis rendu seul à la projection, et que si je n’y ai croisé aucune connaissance personnelle ni aucun ami blogueur, l’homme aux sacs plastique, lui, était fidèle au rendez-vous et s’est comme à son habitude étalé par terre au pied de l’écran pour voir Harrison Ford et sa cicatrice au menton d’encore plus près. J’en aurais profité pour préciser qu’à peine le générique de fin achevé, le spectateur le plus célèbre de la cinéphilie parisienne filait à toute allure vers la sortie, sans l’ombre d’un doute vers une nouvelle projection.
J’aurais évidemment pu attaquer bille en tête en clamant tout simplement mon amour pour le film. En m’extasiant devant l’émotion et l’exaltation que fut cette redécouverte sur grand écran d’Indiana Jones et la Dernière Croisade. J’aurais pu vous réciter les répliques apprises au fil des visionnages dans mon enfance. J’aurais pu chanter les louanges de la scène d’ouverture dans la jeunesse d’Indy où River Phoenix lui prête ses traits. J’aurais pu souligner tout de suite ce qui fait le sel de ce film, l’alchimie parfaite entre les Jones père et fils, Henry et Indy, Harrison Ford et Sean Connery. J’aurais pu vous mimer (mais là avec des mots ce n’est plus du mime…) la poursuite en vaporetto dans Venise, l’évasion du château nazi en Autriche, les épreuves pour atteindre le Graal à Alexandretta. J’aurais pu laisser mes mots s’entrechoquer sous l’excitation, mes phrases perdre tout sens à force de partir dans tous les directions de l’expression de ma joie.
Mais non. J’ai ouvert ce billet avec les mots de Marcus Brody, l’ami d’Indy, le gaffeur. L’homme qui s’est perdu dans son propre musée. Un personnage divin, croqué avec humour, campé avec une classe désinvolte et un brin ridicule par feu Denholm Elliott. Et si c’était Marcus Brody, finalement, mon personnage préféré d’Indiana Jones et la Dernière Croisade, cela ne vaudrait-il pas de commencer par lui ?