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Le Trading haute fréquence n’échappera pas à la régulation

Publié le 21 février 2012 par Sia Conseil

illustration_pret_emprunt_titres_societes_gestion Le High Frequency Trading (HFT) s’est considérablement développé au cours de ces dernières années et représenterait aujourd’hui d’après l’AMF jusqu’à 90% des ordres envoyés sur le marché et environ 30% des transactions effectives en Europe et plus encore outre

Atlantique[1].

Le Trading haute fréquence n’échappera pas à la régulation
[2]

Les proportions prises par cette pratique sont telles qu’elles inquiètent. Tandis que le régulateur, après avoir mené une importante réflexion sur le sujet présente actuellement des propositions devant le parlement européen qui pourraient aboutir à un nouvel encadrement du HFT courant 2013, les députés français ont quant à eux voté une loi visant à taxer ce type d’échanges le 16 février dernier. Si elle était approuvée par le Sénat, cette loi pourrait entrer en vigueur dès le 1er août 2012.

Au cours de ces dernières années, progrès techniques informatiques et volonté affichée des pouvoirs publics d’ouvrir le marché des bourses européennes à la concurrence dans le cadre de la directive MIF ont conduit à une multiplication du nombre de plateformes de négociation. Cette évolution du paysage boursier a ouvert la voie à des possibilités d’arbitrage toujours plus nombreuses entre les différences de cours constatées sur ces diverses plateformes et donc au développement du HFT.

Pour rappel, le HFT combine l’utilisation d’algorithmes mathématiques très complexes à celle de technologies informatiques ultra performantes. Cette combinaison permet d’analyser à grande vitesse et en permanence, l’ensemble de l’information disponible sur le marché et d’exécuter consécutivement d’importants volumes d’ordres en un laps de temps très restreint (plusieurs dizaines d’ordres par milliseconde). Un décalage de cours infime peut, dans ces conditions, représenter des opportunités de gains extrêmement importants pour les banques ou fonds d’investissement faisant usage du HFT. Ces différents acteurs sont aujourd’hui localisés à New York, Chicago et Londres, villes dans lesquelles se trouvent les principales plateformes de négociation. Ils y louent des espaces physiquement proches des serveurs des plateformes pour y installer leurs ordinateurs, (phénomène désormais communément appelé « co-localisation »), ce qui leur permet de gagner en rapidité d’accès au marché.

Parce que relativement nouveau, le High FréquencyTrading n’a fait l’objet d’études d’impacts approfondies que très récemment. La plupart du temps réalisées à la demande du régulateur dans le cadre de ses travaux préliminaires, l’ensemble de ces études à démontré que les incidences du HFT dépendaient des conditions de marché considérées.

Dans des conditions de marché dites « normales » il a pu être observé que la pratique du HFT avait une influence favorable sur les niveaux de liquidité mais aussi sur l’efficience du marché. L’arbitrage, base des stratégies utilisées dans le cadre du HFT concourt en effet à une élimination plus rapide des cours aberrants ainsi qu’à une réduction des bid-ask spreads et donc à une harmonisation des prix observés sur les différents systèmes de négociation. Dans des conditions de marché dites « anormales » en revanche, il a été démontré que le HFT pouvait détériorer le niveau de liquidité et augmenter la volatilité des cours, les high frequency traders ayant tendance, dans de telles conditions, à déclencher des ordres en chaîne, amplifiant de ce fait le caractère anormal de ces situations dans des proportions pouvant devenir considérables. C’est du reste ce qui a pu être observé lors du flash crash (krach éclair) du 6 mai 2010[3].

Outre cet effet boule de neige, le HFT soulève également un certain nombre de craintes relatives à l’asymétrie d’information qu’il induit. Les « traders » haute fréquence dans la mesure où ils sont capables de traiter des masses d’informations bien plus rapidement que les traders traditionnels, bénéficient en effet d’un avantage concurrentiel qui pourrait encourager ces derniers à se tourner vers d’autres marchés plus opaques tels les dark pools ou les marchés de gré à gré pour se soustraire à ces difficultés.

Enfin, parmi les stratégies utilisées dans le cadre du HFT, certaines relèvent purement et simplement de l’abus de marché.

Ce constat amène aujourd’hui le régulateur à présenter un certain nombre de propositions relatives à l’encadrement réglementaire du HFT. L’exercice se révèle difficile puisqu’outre le défi technique que représente la surveillance de cette pratique, il faudra lutter contre ses dérives sans entraver ses bienfaits sur l’efficience du marché et la qualité de la liquidité.

En termes d’abus de marché premièrement, la directive MAD (Market Abusive Directive) devrait dans sa version finale établir une liste exhaustive des types de HFT relevant de l’abus de marché et par conséquent formellement interdites par la loi.

Le Trading haute fréquence n’échappera pas à la régulation

Le nouveau régime MAD devrait par ailleurs étendre les capacités d’enquête et de sanction des régulateurs nationaux actuellement très réduites. A titre d’exemple, l’AMF dispose pour le moment d’un unique accès au carnet d’ordres de Nyse Euronext alors que les valeurs françaises se traitent depuis plusieurs années déjà sur différentes plateformes.

Afin de se prémunir contre les effets d’amplification du HFT dans des conditions de marché dégradées et de lutter contre les distorsions de concurrences ensuite, plusieurs options ont été proposées dans le cadre de MIF II :

  • Les entreprises ayant recours au HFT se verront ainsi dans l’obligation de mettre en place des procédures de contrôle des risques avancées pour prévenir tout dysfonctionnement potentiel des algorithmes utilisés. Le descriptif de ces algorithmes devra par ailleurs être mis à disposition du régulateur.
  • Les high frequency traders exécutant un nombre significatif d’ordres sur un instrument particulier devront ensuite être en mesure de fournir en continu un niveau de liquidité minimum sur cet instrument (comme sont contraints de le faire les marketmakers actuellement)
  • Les high frequency traders devront par ailleurs observer un temps de latence minimum avant d’annuler les ordres émis
  • Un ratio minimum d’exécution des ordres passés dans le cadre du HFT pourrait enfin être exigé ce qui passerait par la mise en place de pénalités financières pour les ordres annulés.

La réduction du pas de cotation un temps envisagée n’a quant à elle pas été retenue car elle aurait pu conduire à une augmentation des spreads défavorable aux investisseurs, la diminution du nombre de chiffres après la virgule réduisant les possibilités d’arbitrage et donc la qualité de la formation des prix.

Un certain nombre d’observateurs restent aujourd’hui dubitatifs quant à la mise en application de ces propositions du fait de la complexité technique du suivi du HFT. L’AMF s’interrogeait lors du 4ème colloque de la Commission des sanctions en octobre dernier sur l’éventualité d’une interdiction pure et simple du HFT si toutefois le régulateur n’était pas en mesure d’exercer un contrôle efficace. Pourtant, l’approche adoptée par MIF II et MAD semble pertinente. En s’attachant à mieux encadrer le HFT et à focaliser son interdiction sur les pratiques abusives uniquement, le régulateur souhaite en effet sécuriser le marché sans entraver son caractère concurrentiel parce que propice à une optimisation continuelle des processus qui a grandement contribué ces dernières années à une augmentation de la liquidité et à une harmonisation des prix disponibles sur le marché. Ceci supposera néanmoins bien sûr, que le régulateur se donne les moyens techniques de ses ambitions. La taxe sur les transactions financières proposée par le gouvernement français quant à elle ne devrait toucher le HFT que dans une moindre mesure puisqu’elle s’appliquera aux ordres effectifs à hauteur de 0.1% et aux ordres annulés à hauteur de 0.01% seulement et au-delà d’un certain seuil qui n’a pas encore été définit mais qui « ne pourra pas être inférieur à deux tiers des ordres adressés et pourra être modulé selon la taille de bilan des opérateurs concernés ».

Sia Conseil


[1] Le Trading Haute Fréquence vu de l’AMF par Arnaud Oseredczuck, chef du service de la surveillance des marchés (mai 2011)
[2] COMMISSION STAFF WORKING PAPERIMPACT ASSESSMENT Accompanying the document Proposal for a DIRECTIVE OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on Markets in financial instruments (octobre 2011)
[3]Le 06 mai 2010 l’indice S&P du NYSE perd près de 10% en quelques minutes avant de les regagner tout aussi brusquement. Une grande firme de fonds mutuel ayant vendu une quantité inhabituelle de contrats (de type E-mini), les transactions à haute fréquence se sont multipliées venant amplifier la baisse des titres dans des proportions anormales, perturbant ainsi sur un cours laps de temps, l’ensemble du marché…


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