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"Bulhead" : fort comme un boeuf

Par Vierasouto

Pitch.
Un éleveur de bétail renfermé, violent, trempant dans un trafic d'hormones. L'assassinat d'un policier qui enquêtait sur les trafics. Le retour d'un passé traumatique à l'occasion d'un marché que doit conclure l'éleveur avec un gros trafiquant de Flandre.

"Bullhead" est une expérience éprouvante, j'ai été stressée tout le long du film, bouleversée parfois, choquée par certaines scènes que je n'ai pas pu soutenir. Mais "Bullhead" est un film magnifique avec une mise en scène superbe, comme on en voit rarement au cinéma, et un acteur poignant, inoubliable, dont le regard de chien battu occupe l'écran et serre le coeur du spectateur dès les premières images. Par ailleurs, "Bullhead" est film flamand tournée en flamand et en français, ce qui ajoute, si besoin était, une force d'authenticité au récit.

photo Ad Vitam
La voix off au début qui dit que de toute façon le passé vous rattrappe, qu'on est toujours "couillonné", c'est le mot qu'il emploie. Une voix résignée, d'un désespoir mat de qui a l'habitude du désespoir. En Belgique, dans un milieu ignoble de trafic d'hormones de croissance destinées au bétail, des paysans, des gangsters, des paysans devenus gangsters, des garagistes ripous, s'animent pour faire tourner la planche à billets, s'engraisser sur le dos des animaux qu'on dope pour améliorer le rendement avant de les abattre. Les voir manger un steak dans ces conditions donne la nausée, d'entrée.
Un flic est tué qui enquêtait sur le trafic d'hormones. Le tueur et son commanditaire viennent payer un garagiste pour faire disparaître la voiture. Les tueurs sont flamands, les garagistes, deux cousins, Christian et David Philippini, sont wallons qui parlent français, ne comprenent pas le flamand, les deux populations se détestent. D'ailleurs les garagistes, affolés par les impacts de balles sur la voiture (ce qui occasionne quelques jeux de mots, seule enclave humour du film), ne vont pas respecter les consignes. Tout au long du film, tout le monde va trahir tout le monde, c'est l'anti-code de l'honneur des nouveaux truands qui ont plus un look Camorra de gens ordinaires qui ressemblent à monsieur tout le monde qu'un  profil de gangsters de cinéma. Le film est réaliste, sans illusions.

photo Ad Vitam

Pourtant, un mélodrame se greffe à ce film constat : Jacky Vanmarsenille, 40 ans, élève aujourd'hui du bétail avec son frère, assisté d'un véto véreux, comme si ne rien n'était. Jacky Vanmarsenille, qu'on découvre le regard hagard, se droguant seul dans sa chambre remplie de flacons, de seringues, de gélules, a été autrefois un enfant joyeux dont la croissance a été stoppée par un accident, une agression d'une violence extrême. Les injections qu'il fait au bétail dans l'étable, afin de les engraisser plus rapidement, il les fait aussi sur lui dans sa chambre. Par le hasard des circonstances, Jacky va revoir son ancien copain d'enfance, un certain Diederik Maes, pas en reste dans ces trafics odieux, lui renvoyant son passé, son enfance, à la mémoire. Une histoire d'amour à sens unique, à l'origine indirecte du drame, s'insère dans le récit, touchante, désespérée, la jeune femme aimée en secret tient une parfumerie, Jackie la regarde comme un ange, le spectateur la voit comme elle est.
"Bullhead" est sélectionné cette année aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger. Après avoir vu l'acteur Matthias Schoenaerts dans le rôle de Jacky, il vous sera impossible de l'oublier, le personnage est admirable, tragique, à pleurer. Le film est un choc, mise en scène, interprétation, ambiance glauque, rugueuse, polar atypique en milieu rural, va et vients périlleux entre présent et passé, histoire d'amour naïve, le réalisateur Michaël R. Roskam passe toutes les épreuves haut la main.

photo Ad Vitam

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