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Mathieu Gaborit vous attend pour le tome 4 !

Par Phooka @Phooka_Book
Tome 4, donc !
Pour relire le début de cette passionnante interview :Tome 1, Tome 2 et Tome 3
Mathieu Gaborit vous attend pour le tome 4 !
Et parce qu'on ne s'en lasse pas, même le 22 février, on relit ce texte du 31 janvier 2012 !
« Mardi 31 janvier 2012, sept heure trois.
Je termine mon café, les yeux rougis de fatigue. J'allume une première cigarette. Un visage s'esquisse dans un nuage de fumée bleuâtre. Une gueule marquée qui évoque celle d'un farfadet sous acide titubant à la sortie d'une boite de nuit.
- Monsieur Gaborit ?
Les yeux plissés, je fixe le fond de ma tasse
- Monsieur, il faudrait tirer sur votre cigarette. J'ai la bouche floue.
Je m'exécute. Mon Imago ne plaisante jamais.
- Monsieur, nous sommes à la veille de votre rendez-vous
- Je sais
- Il faut prêter serment.
Je grommelle et m'adosse au plan de travail de notre cuisine
- Vas-y, soupiré-je, balance...
- Un instant. Dois-je rappeler à monsieur qu'en cas de manquement à vos obligations, l'article « clé de sol sur fond turquoise » du code de déontologie des artisans de l'imaginaire stipule un an de cauchemars récurrents et une peine incompressible de sommeil agité sur taie d'oreiller mal repassée ?
- Je sais, grommelé-je du bout des lèvres
- Bien. Promettez-vous de parler sans faux semblant ni artifice verbeux, de dire toute la vérité, rien que la vérité ?
- J'ai le droit à un joker ?
- Dup et Emma le décideront.
- Une dérobade, au moins ?
- Non, monsieur.
- Une diversion ou une omission ?
- Non plus.
- Une panne de mon « provider » ? Une grand-mère sur le Concordia ?
- Refusé, monsieur.
- Bon.... je le jure, laché-je d'une voix pâteuse.
J'écrase ma cigarette et me verse une nouvelle tasse de café en sachant qu'il faudra être à la hauteur.
Sur Book en Stock, on ne badine pas avec les songes. »


**********
Voz' :

Bonjour Mathieu Gaborit et bienvenu parmi nous.
Je suis en train de lire "Chronique du soupir" et ce qui m'intrigue le plus, c'est ce concept de "Lignes-vie" (ainsi que les Verticales et l'Horizon). Je me demandais donc d'où cette idée vous était venue.
Merci de prendre le temps de répondre à nos questions.


Mathieu :


Bonjour Voz,
J’aime cette idée d’une spatialité magique et surtout d’un tissage à l’échelle d’un monde. Mais c’est aussi une manière de recomposer une géographie. Je me souviens d’une conversation avec Guillaume Vincent alors que nous étions en train de travailler sur le jeu de rôle Ecryme (qui donneront plus tard les romans du cycle de “Bohème”). Nous cherchions un moyen de faire exister le steampunk dans un tissu exclusivement urbain et l’ecryme (une substance corrosive qui recouvre la planète) est née, autre autres, de cette volonté de nier la “campagne”, de se soustraire au diktat d’un espace vaste et dépeuplé. En fait, la Ligne-Vie supprime ce qui est “entre les villes”, la notion même du voyage qui prédispose à l’heoric-fantasy. Chez Tolkien, l’aventure est derrière la colline. Pour moi, elle est derrière la ville. Mes grands-parents étaient de la campagne mais j’ai toujours vécu à Paris. J’ai l’âme d’un citadin et je ne sais pas “enchanter” la campagne (au sens large, bien sûr). En découpant l’univers à travers les Lignes-Vies, il y a une volonté sous-jacente de jalonner la planète de petits mondes denses (les villes) et très caractérisés.
Sans compter que verticalité et horizontalité sont des concepts particulièrement tangibles, 'j’entends par là qu’ils affleurent sans difficulté dans l’inconscient collectif et peuvent, dès lors qu’ils sont énoncés, provoquer mille et un fourmillements dans l’imaginaire du lecteur. Dans ces deux mots, il y a de la religion, de l’architecture, des paysages tranchés, etc. Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours appréhendé la magie comme une valeur universelle et ce maillage des Lignes-vies en est un exemple.



Crunches :

Hello !
L'autre coup, je me suis demandée si, quand vous commencez à écire un livre vous savez déjà à quel public il va s'adresser ? Je veux dire, est ce que vous vous dites "Tiens, mon prochain roman ce sera de la littérature jeunesse" ou bien est ce que ça vient comme ça ?
Et est ce que vous vous mettez des petits défis personnels (genre mettre tel mot au moins une fois dans le prochain chapitre ou écrire sans la moindre lettre "e") ?
Y-a-t'il parfois des demandes de la part de vos proches (éditeur, agent, famille) ?
J'enchaine tout de suite avec la suite (sinon ma mémoire de poisson rouge va rebooter et je perdrais toutes les données !):
Pour le moment, vous avez écrit beaucoup de fantasy, est ce que vous n'avez pas eu envie d'essayer autre chose ?
et j'en avais une autre... mais je l'ai perdue ! et comme je n'ai toujours pas trouvé ces fameux cahiers waterproof, je suis condamnée à oublier les illuminations que j'ai pendant que je prends ma douche !!!


Mathieu :

Bonjour Crunches,
Alors, un triple “non” !
Non, je n’aborde jamais un roman en me demandant à quel public il va s’adresser. J’écris et je laisse à l’éditeur le soin de définir s’il s’adresse à un lectorat en particulier. Donc, oui, cela vient “comme ça”. Vouloir s’adresser à un lectorat relève d’un mensonge à mes yeux. C’est comme si vous étiez dans un rapport de séduction, que vous vouliez plaire à ce lecteur plutôt qu’un autre. Difficile d’imaginer que la littérature puisse ainsi se “réserver” à un public. Dans les faits, c’est ce qui se passe, je vous l’accorde. Il y a peu, je voyais encore un monsieur ouvrir des yeux exorbités quand je tentais de lui expliquer ce que j’écrivais. Je sentais bien que chaque mot, pour lui, était une abstraction. Dans Soupir, j’ai malgré moi pris position puisque je n’ai pas cherché un seul instant à expliquer ce qu’était un nain ou un elfe. En préambule, le mot “nain”, par exemple, agit comme référent. C’est une balise, un jalon. En surface, je n’écris pas pour un public précis mais en réalité, il est possible que cette intention transgresse le propos et qu’au final, sans vraiment le vouloir, j’adresse des signes clairs à un “certain” lectorat. En tout cas, ce n’est pas intentionnel et surtout cela ne conditionne en rien mon histoire et mon écriture.
Des défis personnels ? Non, franchement non. Je dois avouer que je n’y trouverais aucun plaisir.
Des demandes de la part des proches ? Excepté la réflexion partagée en amont des Féals (sur le style et l’approche), pas vraiment. Un éditeur est là pour éclairer le texte, le rendre plus intelligible et vous rappeler à l’ordre si, à un moment ou à un autre, vous n’écoutez plus que vous et que vous devenez trop abscons. C’est un ange gardien, un miroir, un tuteur mais pas un commandeur. Ma femme lit les textes une fois que le premier jet est abouti et ses remarques sont toujours précieuses dans la mesure où elle n’est pas une lectrice de Fantasy.
Ecrire autre chose ? Je ne sais pas si vous entendez la “fantasy” au sens large. En tout cas, pour le moment, je vais écrire dans des univers contemporains, quelque chose qui se rapproche plus de l’anticipation. Je vais devoir prendre mes distances avec la Fantasy proprement dite (au sens médiéval, pour faire court) pour mieux y revenir. Ne serait-ce que pour écrire à nouveau dans l’univers des Crépusculaires.
Filez vite prendre une douche, j’attends votre prochaine question !

Cerisia :

Bonsoir Mathieu,
Tout d'abord merci d'être là pour "le mois de..." qui me permet de vous découvrir. Je lis "Les Chroniques des Féals" (merci Dup et Phooka) et j'aime beaucoup même si j'ai un peu de mal avec la Charogne et les Charognards, plus que le mal à l'état pure mais plutôt la mort qui prend "vie" c'est assez angoissant.
Beaucoup de questions et de réponses intéressantes, la mienne sera plus générale.
- Pourquoi utilisez-vous (comme d'autres auteurs de fantasy) l'unité de mesure telle que "la coudée" ou "le pouce" et pas le mètre ou le km ?
Et une autre petite question : viendrez-vous un jour à la foire du livre de Brive ?
Voilà je retourne à votre livre :)


Mathieu :

Bonjour Cerisia,
C’est une question délicate et je n’ai pas de réponse tranchée. On touche de près à la notion d’immersion. L’écriture est un cocktail fragile dont il faut prendre soin pour restituer une atmosphère, une époque, une couleur donnée. Un temps, j’ai trouvé que la référence au kilomètre ou au mètre pouvait heurter, qu’elle était intrusive. C’est la limite de l’heoric-fantasy. Si, dans un dialogue, un jeune mage commence à parler en utilisant des mots contemporains, ne serait-ce qu’un mot comme “merde”, vous êtes brutalement éjecté du bouquin. Certains y arrivent, moi pas. Aujourd’hui, je préfère servir une forme d’évidence. Le mot “coudée” sauvegarde les apparences d’une époque mais peut, a contrario, désorienter le lecteur puisqu’il ne connait pas forcément sa table de conversion et que la valeur indiquée ne lui évoque rien.
On en revient à une histoire de spatialité, d’ancrage dans l’histoire. Vaut-il mieux privilégier une visualisation limpide (le nain mesurait un mètre trente) ou une musique immersive ? (le nain mesurait trois coudées) ? Je pense que l’histoire conditionne le choix en question, que l’auteur, seul, peut sentir lequel des deux s’impose. A l’heure actuelle, j’aurais tendance à préférer la première solution.
J’étais à Brive pour la dernière édition. L’année prochaine, je ne sais pas encore. Tout dépendra de l’éditeur et de mon actualité. A suivre !



re Voz' :)

Re-bonjour,
j'ai encore une question qui m'est venue à l'esprit:
Je suis vraiment restée sur ma faim en finissant "Chronique du soupir" d'où ma question: aura-t-on la chance de revoir des personnages comme Lilas ou Cerne et Lyme dans un autre livre? Comment leurs vies continueront?


Mathieu :

Re-bonjour Voz,
A priori, non.
Pas à court ou moyen terme, en tout cas. Il n’y a pas d’absolu en la matière, seulement la certitude que ce roman devait exister ainsi, en “one-shot”, pour raconter cette histoire.
La vie fera peut-être qu’un jour, je regretterai de ne pas avoir approfondi ces personnages et que j’aurai envie de les retrouver.
Pas pour le moment, en tout cas.


Dup :



Bonsoir Mathieu,
Et non, je ne vous lâcherai pas ! :))
Etant à nouveau plongée dans les Féals puisque la LC se poursuit, j'ai une question qui me titille. Cet univers m'enchante avec ses peuples différents selon le Féal qu'ils vénèrent. Une mention spéciale en passant pour les Licornéens d'ailleurs ! Mais, et oui, il y a un mais : je suis chagrinée, voire écoeurée par l'image que je me fais aux vues de vos descriptions des Pères Caladriens. Or c'est pourtant le peuple pacifique par excellence, hospitalier dans tous les sens du terme. Pourquoi cette vision d'horreur ?
Même malade je me sauve en courant moi s'ils me tendent la main !

Mathieu :

Hello Dup,
J’ai été vraiment intriguée par votre question. A tel point que j’ai pris soin de rouvrir un exemplaire du Fiel pour retrouver la description en question.
J’avoue mon désarroi ! De quelle horreur parlez-vous ? De cette fusion à travers un baiser ? Dans un monde où le Féal est une créature sacrée, une figure quasi divine, ce baiser me semble au contraire démontrer combien les Caladriens sont en harmonie avec leurs principes. Le Caladre est une créature magique au même titre qu’une fée ou un lutin. Ce baiser, de toute façon, n’a pas une valeur sensuelle ou amoureuse, il renvoie plutôt à une image très maternelle, quelque chose qui parle d’une mère mâchant la nourriture pour ses petits. Dans mon esprit, ce baiser représente ce même geste que certains samaritains seraient capables d’avoir pour venir en aide à un lépreux. C’est un geste de compassion et d’amour au service de l’autre quand bien même il effleure un tabou.



Merci de cette précision Mathieu. 
Visualisant une queue en forme de serpent, pour moi la fin de cette queue était une tête de serpent. Et l'imaginer fichée à vie sur la bouche du Père Caladrien me donnait des frissons à chaque passage où ils intervenaient. J'en ai d'ailleurs fait un dessin, si je le retrouve dans mon bazar, je le mettrai en ligne.
Trouvé !!!

Mathieu Gaborit vous attend pour le tome 4 !


Voilà le résultat de mon gribouillage... une écharpe dont je me passerai bien ! Eurk.

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