La Femme du vampire
de Nina BLAZON (Challenge ABC Imaginaire - 3/26,Lecture Commune)
Seuil,
2010, p. 392
Première Publication : 2009
Pour l'acheter : La femme du vampireLes avis de Ananas, Danouna et Yumiko ! Nina Blazon est une journaliste et romancière. Elle a passé son enfance et sa jeunesse en Bavière, à Neu-Ulm. Elle a publié plusieurs romans fantastiques et historiques. Elle est passionnée d’histoire, très attachée aux mœurs et croyances populaires de l’Europe de l’Est et à l’histoire scientifique, médico-historique des vampires. Babelio.
u XVIIIe siècle, en Serbie, la jeune Jasna est vendue par son père à Jovan, un riche propriétaire, qui cherche une épouse pour son fils Danilo. Elle quitte alors ses soeurs et la maison paternelle pour s'installer dans les trois mystérieuses tours de la famille Vukovic. Très vite, Jasna réalise que son mari cache un sombre secret. Une fois le mariage célébré, il ne l'approchera plus jamais. Des faits effrayants se produisent : morts suspectes de villageois, moutons égorgés, chevaux blessés... Danilo serait-il un vampire ? C'est avec Dusan, un bûcheron fantasque - le seul à lui avoir tendu la main -, que Jasna va découvrir toute la vérité.
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es derniers mois, j’avais vu ce titre plusieurs fois sur les blogs mais même si les avis semblaient plutôt positifs, le titre et l’illustration de couverture ne me tentaient pas des masses. Et puis en octobre dernier, lors d’une brocante lyonnaise que j’aime beaucoup (j’y découvre toujours des petits trésors), j’ai trouvé La Femme du vampire en parfait état à 1 ou 2€… J’ai hésité, mais à ce prix-là, je me suis dit que je ne risquais pas grand-chose… Et j’ai bien fait car cette lecture a été une excellente surprise… j’irais même jusqu’au coup de cœur ! Je remercie donc Kassandra qui a organisé la lecture commune sur Livraddict, grâce à celle-ci, j’ai eu la motivation nécessaire pour sortir ce livre de ma PAL… et je n’ai aucun regret !
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Avant d’aller plus loin, une chose me semble primordiale : ne vous fiez absolument pas à la couverture et au titre. En effet, ces deux-là pourraient nous faire croire qu’on s’apprête à lire un énième livre du genre « bit-lit », mais il n’en est rien, c’est même très très loin d’être le cas ; et ce fut une excellente surprise ! S’il faut comparer La Femme du vampire à un autre titre, je le rapprocherais des grands romans gothiques de XIXe siècle et des romans fantastiques (je pense à la définition originelle du genre).
On se retrouve propulsé dans une Europe de l’Est (la Serbie, plus précisément), au XVIIIe siècle. Les villageois sont plein de superstitions et craignent comme la peste les trois tours de la famille Vukovic. C’est dans une de celles-ci que va devoir vivre Jasna, vendue par son père pour devenir l’épouse du fils du domaine, le jeune Danilo. La jeune fille n’a absolument pas l’intention d’accepter la situation sans broncher et si elle se soumet à certains ordres, elle est bien décidée à faire le jour sur certains secrets de la famille. Tout est étrange ici. Elle sent une présence qui l’épie, elle découvre que ses affaires bougent sans qu’elle n’en soit à l’origine, elle aperçoit des ombres et pire encore… des moutons sont égorgés, les chevaux du domaine ont d’étranges blessures à l’encolure et les villageois meurent d’une maladie étrange les uns après les autres… mais quand elle pose des questions, quand elle veut comprendre ce qui se passe autour d’elle, elle se retrouve face à un mur, aucun habitant des trois tours ne veut lui répondre. Doit-elle croire les villageois qui accusent un vampire qui serait intimement lié aux Vukovic ?
Pendant plus de la moitié de l’ouvrage, on nage dans le doute, dans un climat de suspicion (et on soupçonne tout le monde tour à tour !)… est-ce qu’il y a vraiment une créature surnaturelle derrière tous les évènements ? Est-ce que les superstitions et l’atmosphère angoissante des lieux entraînent des visions ou de la paranoïa ? Et quel lourd secret cache cette famille ?! Franchement, j’ai adoré suivre l’héroïne dans ses « investigations » et j’ai beaucoup douté avec elle, soupçonnant tour à tour tout son entourage !
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On se retrouve dont en présence d’une histoire mi-fantastique, mi-policière, mi-romanesque et surtout… mi-historique ! Et oui, comme nous l’annonce Nina Blazon en « annexes », elle s’est inspirée de faits réels, ceux survenus l’hiver 1731 dans la région de la Serbie qu’elle nous présente. Elle cite également d’autres sources, notamment un ouvrage de Claude Lecouteux (c’est un grand expert du folklore et des mythes médiévaux, scandinaves,… j’ai utilisé plusieurs de ses ouvrages lors de mes études et surtout pour la rédaction de mon mémoire… je vous conseille vraiment les ouvrages de Claude Lecouteux ; il écrit très bien, c’est abordable sans non plus être trop vulgarisé/simplifié). On sent qu’il y a énormément de travail derrière la rédaction de ce roman. C’est très agréable de se retrouver dans la Serbie du XVIIIe siècle, de découvrir ses innombrables superstitions et surtout de pouvoir se dire que tout est historiquement vrai ! Ainsi, on apprend qu’il fallait : veiller les morts pour qu’aucun animal ne passe au dessus de la dépouille (même une mouche !), installer des pierres sur la tombe (pour empêcher le mort de sortir) ou encore, déposer des graines de pavot sur la sépulture (le mort devra alors compter chaque graine une par une avant de prendre la poudre d’escampette !)… J’ai appris des dizaines de choses et j’ai été complètement embarquée dans le contexte… j’adore faire des lectures « intelligentes » mais qui restent également très abordables car romancées.
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En outre, je n’ai eu aucun mal à accrocher à l’intrigue et je n’ai rien vu venir. Lorsque j’ai découvert l’ampleur du secret, j’ai été bien surprise… On ne peut pas dire que l’action remplisse chaque page, mais il y a assez de rebondissements et de questionnements pour qu’on ne s’ennuie pas une seule seconde !
Et si j’ai autant apprécié cette lecture, c’est aussi parce que j’ai beaucoup aimé l’héroïne Jasna. Mariée de force à 15 ans, complètement déracinée, seule contre tous, elle ne se laisse pas abattre. Elle est vive, intelligente, débrouillarde… tout en restant une jeune fille tout droit sortie de la Serbie du XVIIIe siècle, c’est-à-dire pieuse et plus ou moins soumise à l’autorité masculine.
S’il y a un tout petit point auquel j’ai moins accroché pendant ma lecture, c’est l’aspect « romantique » de l’histoire ; mais je ne boude pas mon plaisir car j’ai été surprise par la tournure des évènements (disons qu’en lisant les premières pages, avec les bases, je n’avais pas imaginé cette évolution pour l’héroïne…). Et puis cet aspect romantique n’empiète pas trop sur le reste, c’est pile le bon dosage !
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Je ne sais pas si la traduction est particulièrement brillante ou si le texte d’origine (en allemand) de Nina Blazon est déjà très bon, mais j’ai vraiment beaucoup apprécié cette narration à la première personne du singulier. Le point de vue interne permet au lecteur de s’attacher à la narratrice (Jasna) et surtout de s’imprégner totalement de l’histoire. On doute avec la jeune fille, on découvre de nouveaux éléments de réponse en même temps qu’elle…
Nina Blazon a, qui plus est, le don d’offrir des descriptions convaincantes et de créer une atmosphère particulière, pas loin d’une ambiance gothique/fantastique comme je le disais en introduction.
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Je me répète mais surtout, ne vous fiez ni au titre ni à l’illustration de couverture qui, à mon goût, ne rendent pas du tout hommage à ce texte, mélange de fantastique/gothique, de policier, et de roman historique. L’ensemble est équilibré et maîtrisé… vraiment une très bonne surprise !
Les Petits [+] : Brillant mélange d’une atmosphère gothique/fantastique, d’une enquête, d’une romance et de faits réels ! L’auteure a fait des recherches et s’appuie sur des faits historiques ; c’est travaillé, intelligent et maîtrisé ! L’héroïne est forte, courageuse et vive… mais pas trop non plus pour coller à l’époque ; on s’attache facilement à elle. Le point de vue interne permet de tout vivre, de tout découvrir en même temps qu’elle ce qui rend la lecture encore plus intense.
Les Petits [-] : Le côté « romantique » m’a un peu moins emballée mais c’est un faux point négatif. Le titre et l’illustration ne reflètent absolument pas le fond (on s’attend à un titre bit-lit… mais est-ce qu’une auteure du genre citerait Claude Lecouteux dans ses sources ? ^^).
Voilà un extrait des quelques pages d'annexes présentes à la fin du livre. On y découvre les réflexions de Nina Blazon et c'est super intéressant (bien que trop court...) !
"Canines pointues, beauté surnaturelle et un faible pour la séduction (fatale) de belles femmes ? Non, si l'on parle du vampyrus serviensis ! Quand ce vampire primitif sort de la tombe, on a affaire à un mort errant qui tue le bétail, endommage les maisons, gâte la récolte et étrangle les gens. [...] Le vampire primitif est également intéressant sur le plan médico-historique. Naturellement, les maladies ne suffisent pas à elles seules à expliquer la croyance aux vampires, mais elles ont du moins contribué à l'introduire. [...]"