Magazine Cinéma

Le pot belge (Elephant Man chez les Flamands)

Par Borokoff

A propos de Bullhead de Michael R. Roskam ★★½☆☆

Matthias Schoenaerts - Bullhead de Michael R. Roskam / Borokoff / Blog de critique cinéma

Matthias Schoenaerts

Au Sud de la région du Limbourg, en territoire belge côté flamand, Jacky, 33 ans, est un éleveur de bovins aussi baraqué que bourru. Avec la complicité de son frère et d’un vétérinaire véreux, il s’adonne, comme le veut la tradition familiale, à un trafic d’hormones très lucratif. Mais l’assassinat d’un commissaire de police qui enquêtait sur les dits trafics complique les affaires de Jacky. Alors qu’il était en passe de conclure un marché juteux avec le plus gros trafiquant d’hormones de Flandre occidentale, Jacky voit soudain l’étau de la police se resserrer sur lui, d’autant qu’il ne peut évacuer un traumatisme lié à son enfance et qui lui fait de plus en plus « péter les plombs »…

De Bullhead, premier long métrage de Michael R. Roskam, on retiendra surtout le style, incontestable, davantage que le scénario ou l’originalité de l’intrigue.

Bullhead est porté par acteur aussi incroyable que peu connu, Matthias Schoenaerts (Jacky), monstre physique anéanti par un drame qui a bouleversé sa vie à ses 13 ans. Jacky n’arrive plus à vivre avec cette histoire. Les séquelles physiques et psychologiques le rendent de plus en plus violent et imprévisible.

A plus d’un titre, le personnage solitaire et marginal de Jacky rappelle celui de Drive. Même mutisme, même regard vide pour ne pas dire « abruti », et un (anti)héros qui se comporte de manière de plus en plus barbare, en proie à une folie meurtrière exutoire à la fois de son mal-être et de ses frustrations mais surtout d’une enfance dont il ne peut pas guérir.

Mais là où Drive était subtil, là il suggérait par l’ellipse (réaction épidermique du driver dans la scène où il tente de réconforter un enfant bouleversé à qui on a laissé une balle en souvenir) les traumatismes qu’avait dû subir le personnage principal, Bullhead privilégie des flashes-back trop longs et trop explicites, trop descriptifs et répétés.

C’est cette matière trop illustrative, pas assez dramatique qui gâche un peu Bullhead, portrait réussi (quand même) d’un cultivateur devenu malgré lui une bête, un monstre que la société a déshumanisé alors que dans le fond, c’est un grand sentimental qui ne peut rien avouer à celle dont il est amoureux. Encore moins vivre avec.

Comme le héros de Drive, la frustration accumulée, la colère trop longtemps intériorisée d’un Jacky qui n’a pas pu se réaliser et faire sa vie sentimentale exploseront dans une violence furieuse et gratuite à laquelle il s’adonnera sur un pauvre type qui l’avait juste « chambré » dans une boîte de nuit.

Malgré les faiblesses de son scénario et une intrigue dont les ressorts sont assez prévisibles, Bullhead brille par le style d’une mise en scène qui affectionne les effets dramatiques, à travers la répétition notamment de ses ralentis et le choix des compositions de Raf Keunen.

C’est assez intriguant pour mériter qu’on aille le voir. On pense étrangement au Québécois Xavier Dolan, qui aime suggérer les émotions et le ressenti de ses personnages par de tels effets.

Mais ce n’est pas la seule (bonne) surprise de Bullhead. Car le film de Michael R. Roskam mélange habilement et de manière surprenante les genres. C’est à la fois un film comique dont le style parfois délirant (avec les deux pieds-nickelés de frères garagistes qui incarnent à eux-seuls la haine entre Wallons et Flamands) rappelle Guy Ritchie, un thriller, un drame intimiste et une étude de caractère, un portrait psychologique aboutis.

Mais ne nous trompons pas, car si Bullhead est un film aussi noir que son humour, c’est avant tout un drame dont le générique dès le début annonce qu’il est sans échappatoire. Car on se fait « toujours couillonner au final », et pas qu’en Belgique…

http://www.youtube.com/watch?v=8hFowwjIWXI

Scénario de Michael R.Roskam : 2 out of 5 stars

Mise en scène : 3 out of 5 stars

Acteurs : 3.5 out of 5 stars

Dialogues : 2.5 out of 5 stars

Compositions : 3 out of 5 stars


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Borokoff 641 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines