Colette Fellous et Paul Nizon
Je dévorais et buvais sa présence, ses yeux avec ces mignones petites taches dans le brun clair, la bouche joliment peinte, et surtout cette façon qu'avaient ses lèvres de laisser passer la voix. Pas seulement le son, mais les mots, les phrases dans cette langue étrangère que j'aime tant, et quel frisson quand cette voix prononçait mon nom. Je ne pouvais me rassasier de son visage ni de ses doigts fins aux ongles merveilleusement soignés qui maniaient les couverts.
J'enregistrais tout cela, ce port de reine, la lumière de son visage, notre intimité, et j'étais conscient que cette heure et ces secondes n'auraient eu lieu qu'une fois, j'aimais t sentais le monde autour de moi comme jamais, la rue avec ses mélopées du soir, tout, j'étais aveugle et voyant. Miracle sur miracle, moi avec elle, dans cette ville unique, et c'était comme si elle l'avait inventée pour moi et qu'elle me l'offrait, à moi. A moi seul.
Colette Fellous et Paul Nizon, Maria Maria (Maren Sell, 2004)