Dilemne cornélien en Bosnie

A propos d’Au Pays du Sang et du Miel d’Angelina Jolie 3 out of 5 stars

Juste avant que n’éclate la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), Danijel, un policier et Ajla, une peintre bosniaque, tombent amoureux lors d’une soirée dansante. Puis la guerre les sépare. Ajla est arrêtée et enfermée avec d’autres Bosniaques dans un camp que Danijel, devenu capitaine dans l’armée serbe, dirige. L’ambiguïté des sentiments qui les lie assure une paix, une protection et un confort relatifs à Ajla. Mais le père de Danijel, colonel dans l’armée, oblige son fils à se débarrasser d’Ajla. Ce à quoi Danijel ne peut se résoudre…

Il est souvent difficile d’oublier, devant un film aussi violent et âpre qu’Au Pays du Sang et du Miel, qu’il a été réalisé par une actrice, star d’Hollywood dont c’est le premier long-métrage (elle a aussi écrit le scénario) et qui nous avait plutôt habitués jusque-là à des gros films d’action certes divertissants et plutôt réussis mais sans grandes conséquences.

Comment dissocier le nom et les superproductions de pur entertainment dans lesquelles a joués Angelina Jolie d’un film qui aborde avec autant de frontalité et de courage, sous l’angle d’une romance impossible en temps de guerre, les massacres et les viols perpétrés en Bosnie par les soldats serbes à l’égard des civils et des femmes bosniaques entre 1992 et 1995 ?

Les deux guerres en Ex-Yougoslavie et qui ont concerné six Républiques au total, ont coûté la vie à entre 200 000 et 300 000 morts. Ce sont les conflits les plus meurtriers sur la planète depuis la seconde guerre mondiale. Mais c’est surtout l’endroit où l’on a vu réapparaitre la notion de génocide à caractère ethnique en même temps que ressurgir des camps de concentration où étaient entassés des musulmans bosniaques affamés avant d’êtres tués et enterrés dans des charniers.

Depuis cette guerre des Balkans (Bal signifie miel en turc et Kan, sang, d’où le titre), le viol a été classé comme un crime contre l’Humanité. Ces piqures de rappels de l’Histoire, Angelina Jolie les fait de manière un peu maladroite dans le film, sous la forme de digressions un brin pédagogiques et qui, dans les dialogues entre Danijel et son père, sonnent un peu artificielles.

Mais sans doute le public américain avait-il besoin qu’on lui explique de quelle guerre et de quoi voulait leur parler l’actrice de Salt à la fin, à défaut de pouvoir situer la Serbie et la Bosnie sur une carte…

A ce défaut du didactisme « à l’américaine », on peut ajouter quelques longueurs « mélo » dans le film, surtout à la fin. Mais il y une maitrise dans la mise en scène, qui parait doublement surprenante pour une actrice qui réalise là son premier long métrage et dont on connait le parcours.

Si l’ancienne « bimbo » de Lara Croft a choisi de raconter une histoire d’amour en temps de guerre à l’issue sera forcément tragique, elle a su ménager assez de tension dans la mise en scène, assez de suspense dans l’intrigue (chute insoupçonnable) pour faire d’Au Pays du Sang et du Miel déroutant à défaut d’être totalement réussi.

Loin des clichés qui lui tendaient pourtant les bras (pathos et complaisance notamment), Au Pays du Sang et du Miel démontre des nuances dans la peinture des sentiments de ce couple interdit d’amour, des finesses dans la description du dilemme de plus en cornélien qui se pose à Danijel.

Dommage que le personnage du père de Danijel, dont la haine contre les Musulmans remonte à l’époque de l’invasion des Turcs, soit brossé de manière beaucoup caricaturale…

http://www.youtube.com/watch?v=9KR1W9P1rLA

Film américain d’Angelina Jolie avec Zana Marjanovic, Goran Kostic (02 h 05).

Scénario d’Angelina Jolie : 3 out of 5 stars

Mise en scène : 3.5 out of 5 stars

Acteurs : 3 out of 5 stars

Dialogues : 3 out of 5 stars

Compositions de Gabriel Yared : 3 out of 5 stars