Magazine Cinéma
A l’ouverture, le film Q arbore une dédicace à Cyril Collard et "et à tous ceux qui pensent qu’aimer veut encore dire quelque chose" ; à la clôture, il laisse entendre du Noir Désir. L’ambition est claire : afficher, revendiquer même, une liberté totale, rock’n’roll, voire même (artistiquement) suicidaire. Au milieu : une bande de jeunes, des scènes de sexe non simulées qui ont fait couler beaucoup d’encre, et; aussi, de l’amour. De Zonzon à 24 heures dans la vie d’une femme, Laurent Bouhnik passe du coq à l’âne, désireux de ne parler, au final, que de ce qui lui plaît. Ici avec Q, pas de surprise : il y est surtout question de désir, de corps, de séquences explicites, qui questionnent le rapport de la jeunesse au sexe à travers plusieurs personnages féminins. La première, machiavélique nympho qui se trimballe avec les cendres du paternel dans un tupperware, fait tourner les têtes et les sens de tous les malheureux qu’elle rencontre (filles et garçons confondus), la seconde est une bourgeoise coincée (mais mignonne), dont l’éducation stricte cannibalise les fantasmes, la troisième est une épouse, dont le couple bat de l’aile suite à un drame personnel.
Un trio de femmes qui assume tout du long ses envies, ses besoins, qui, par une réappropriation de leur chair et un renversement du rapport de domination avec leurs partenaires, prône un certain féminisme. On comprend ce qu’a voulu faire Bouhnik : une sorte de mix moderne entre du Brisseau, du Breillat et du Chéreau. Logiquement, en 2011, l’érotisme a laissé place à une pornographie crue et froide, dont seuls certains, à l’heure de toutes les banalisations, trouveront provocante. In fine, l’intérêt de toute l’entreprise réside ailleurs. Dans le propos d’abord, qui ne parle que d’amours et de leurs complexités (le plus souvent teinté d’un charmant romantisme, plutôt optimiste vues les circonstances). Dans le jeu des comédien(ne)s ensuite (on pense notamment aux jeunes Déborah Révy et Hélène Zimmer), qui s’abandonnent totalement à un cinéaste qui a choisi la manière la plus simple pour parler de jouissance. Soit filmer, impudiquement, courageusement, mais sans vulgarité aucune, la dite jouissance. Et, aujourd’hui, quoique l’on en pense, une telle prise de position, en plus d’être un pied-de-nez à l’hypocrisie en général, a quelque chose d’éminemment séduisant.