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Oscars: Meilleur film, Réalisateur, Acteur, Bande Son originale et Costumes
Premier Oscar Meilleur Film pour un film muet et noir et blanc depuis que ce cinéma a disparu. De production française, mais fait à Hollywood, avec des
acteurs américains sauf les deux protagonistes. Un travail très personnel de Michel Hazanavicius qui a réalisé, produit, écrit le scénario...
Le film avait déjà fait un triomphe aux prix BAFTA, Globes d'Or, aux César et les Independent Spirit Awards.
Michel Hazanavicius est un virtuose du pastiche.
Il s'agit de traiter d'un épisode fondateur du cinéma moderne (qui est accessoirement le sujet d'un des films les plus célèbres
de cette histoire - Chantons sous la pluie, de Stanley Donen et Gene Kelly) : l'irruption du cinéma parlant. Elle bouleverse
la vie de George Valentin (Jean Dujardin).
Séducteur à la moustache aussi fine que celle de Douglas Fairbanks, à la coiffure aussi
gominée que celle de Rudolph Valentino, Valentin enchaîne les succès. En 1927, son chemin croise celui de Peppy Miller (Bérénice Bejo), jolie figurante qu'il perd de vue avant de retrouver son minois (un terme qui convient parfaitement à la façon dont Bérénice
Bejo s'exprime à l'écran) à la "une" des magazines de cinéma. La starlette et le bellâtre se croisent, l'une en montant, l'autre en descendant, le 25 octobre 1929, jour des premières de
leurs films respectifs et du krach qui mena à la Grande Dépression.
Cette première partie de The Artist est menée avec une virtuosité euphorisante. Il y a du pastiche dans la manière de Michel Hazanavicius, qui sait parfaitement retrouver les panoramiques et les travellings du muet. Mais quand la nécessité s'en fait sentir, il se sert d'un vocabulaire un peu plus moderne. Les acteurs procèdent de la même façon. Dujardin cabotine pire que Max Linder quand il joue un acteur au travail. Mais entre les prises, il se fait plus nuancé, plus réaliste. Bérénice Bejo profite aussi de l'occasion pour déployer son charme.
On reconnaîtra au passage quelques figures hollywoodiennes connues, John Goodman en forçat de la mise en
scène, James Cromwell en fidèle chauffeur, qui se meuvent dans une étonnante reconstitution du Los
Angeles d'antan. La magie numérique permet de cumuler les effets magiques des toiles peintes et le réalisme immatériel des pixels.
Emmené par une musique habile de Ludovic Bource, un
Oscar aussi (là encore, on est entre le pastiche et la variation), le premier mouvement de The Artist est une jolie sarabande.
Suit la traversée du désert de George Valentin, qui convainc moins. Le ralentissement du rythme ne s'accompagne pas d'une intensité accrue des émotions. Les gags et
situations se multiplient, qui rapprochent l'attachement du héros au cinéma muet et son incapacité à exprimer ses émotions.
Il faut attendre l'enchaînement qui mène à l'inévitable dénouement pour que le film reprenne son rythme initial et mène ses
protagonistes de l'autre côté de cette révolution, la plus grande que le cinéma ait connue jusqu'à l'apparition du numérique.
Critique de Thomas Sotinel pour Le Monde
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