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Cuba : les uns oui, les autres non…

Publié le 28 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Un soir à La Havane, coup d’œil sur le journal télévisé. Bienvenue à Cuba, au royaume du « deux poids, deux mesures ».

Par Yoani Sánchez, de La Havane (Cuba).

Cuba : les uns oui, les autres non…J’ai allumé la télé dans un de ces accès de crédulité qui de temps en temps m’assaillent. Je voulais entendre le journal du soir, avoir quelques nouvelles, me rapprocher de la réalité syrienne si proche et si lointaine. Mais ici, les informations ne se mesurent pas à l’importance qu’elles ont pour le reste du monde… donc patience, encore patience. Nous avons d’abord eu droit à un reportage sur la récolte agricole, dont nous n’avons pas perçu la progression dans nos assiettes ; une chronique sur la croissance des haricots, des bananes ou des litres de lait qui continuent à jouer à cache-cache avec nos bouches. J’ai supporté. Je n’allais pas décoller les yeux de l’écran avant d’entendre ce qu’ils allaient dire sur les morts de Homs, les déclarations de la Ligue Arabe et la mort de deux journalistes des suites d’un bombardement.

Les minutes passent, désinformation et angoisse. Tout à coup je vois une photo sur laquelle apparait la blogueuse Myriam Celaya accompagnée d’autres connaissances, affublées des épithètes de « mercenaires » et de « traitres ». L’objet était leur participation à un atelier sur la presse numérique organisé dans la résidence d’un fonctionnaire du Bureau des Intérêts des États-Unis. À l’extérieur, un groupe de paparazzis officiels photographiaient fiévreusement l’événement pour le raconter ensuite à leur manière à la télévision nationale.

Cuba : les uns oui, les autres non…
Raul Castro et les sénateurs nord-americains. Miriam Celaya et les fonctionnaires du même pays. Images Internet

Chaque fois qu’il se passe quelque chose de ce genre, je me demande pourquoi le gouvernement cubain maintient ouverte une représentation des USA sur l’île si, comme ils le disent, celle-ci est devenue un « nid de provocation ». La réponse est contenue dans la question : ils ne pourraient pas gouverner sans mettre sur le dos de l’autre, la désapprobation croissante. Si, de plus, les milliers de personnes qui, chaque semaine, font la queue à l’extérieur de cette représentation diplomatique pour émigrer, sentaient qu’il n’existait aucune issue à leur frustration, celle-ci se déverserait dans nos rues et sur nos places. Au total le Ministère des Relations Extérieures souffre visiblement d’un conflit évitement/rapprochement, amour/haine, éloigne-toi/j’ai besoin de toi.

J’aimerais bien savoir ce qui se passe pour les citoyens américains qui visitent le bureau cubain équivalent sur le sol du voisin du Nord. Voit-on également leurs visages dans les journaux accompagnés d’insultes ? La diplomatie, contrairement à ce que beaucoup croient ne se fait pas au niveau des gouvernements, ni dans les palais présidentiels, mais de personne à personne. Pour cela, chaque cubain doit avoir le droit souverain de visiter de la même façon l’ambassade d’Iran ou celle d’Israël, celle de Bolivie ou celle du Chili, celle de Russie ou celle d’Allemagne. Non seulement ces contacts ne doivent pas constituer un délit au code pénal mais ils doivent être permis et encouragés. Il devrait revenir au gouvernement de protéger ces échanges et non de les dynamiter.

Encore plus surprenant, j’ai vu l’autre jour au même journal ennuyeux, des images de Raoul Castro s’entretenant avec deux importants sénateurs américains. Mais dans ce cas on ne le présentait pas comme « traitre à la patrie » ou « ver de terre » mais comme le Premier Secrétaire du Parti Communiste. Je sais que beaucoup vont tenter de m’expliquer que « lui le peut puisqu’il est gouvernant ». Ce à quoi, permettez-moi de répondre en vous rappelant que le président d’une nation est seulement un serviteur public, qui ne peut pas se lancer dans des actes interdits ou diabolisés chez ses compatriotes. Si lui a le droit de le faire pourquoi Miriam Celaya ne l’aurait-elle pas ? Pourquoi n’invitent-ils pas cette femme, née cette même année 1959 – anthropologue et magnifique journaliste citoyenne – dans l’espace de quelque lieu public, pour qu’elle raconte son expérience dans l’utilisation de la presse numérique et ne doive pas se contenter du local offert par les « autres » ? Pourquoi n’osent-ils pas lui accorder une minute, même à la plus mauvaise heure du petit matin pour parler de la télévision officielle qui la censure et la stigmatise ?

Le plus triste est que la réponse à toutes ces questions n’apparaisse jamais ni dans le journal de 13 heures, ni dans celui du matin, ni dans celui de vingt heures, ni dans celui…

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Traduction : Jean-Claude Marouby.


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