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Anne-Constance Vigier, La réconciliation

Par Eric Bonnargent
Un père et passe
Marc Villemain

Anne-Constance Vigier, La réconciliation

Éditions Joëlle Losfeld

Joëlle Losfeld a suprendre une place assez enviable dans le paysage éditorial. Rattachée àGallimard au titre de collection, la maison n’en a pas moins développé samarque de fabrique, très identifiable, dont on pourrait dire un peuschématiquement qu’elle tient à une politique d’auteurs et à une ligneéditoriale très assumée : une littérature plutôt intimiste, souventpoétique, parfois onirique, sur les marges légères de la normalité, toujoursd’excellente tenue. Constance très appréciable, mais qui pourrait aussi passerpour une limite : aucune lecture d’un roman portant l’estampille JoëlleLosfeld ne nous prendra jamais vraiment par surprise – sauf à atteindrecertains sommets, Paula Fox par exemple. En tout cas, ce n’est pasAnne-Constance Vigier qui viendra troubler ce cours (faussement) tranquille. 
La réconciliation est un petit romanagréable, qui se lit très vite et s’avère en tous points divertissant. On medira que le compliment est à double tranchant, et c’est bien ainsi, en effet,qu’il faudra l’entendre. Cette histoire de quadragénaire contrainted’accueillir chez elle son père honni, en vertu du cancer qu’il auraitpeut-être contracté, est menée avec une certaine habileté. Anne-ConstanceVigier ne s’encombre pas d’ornements, imposant à son récit une dramaturgie sansgraisses ni fioritures : les scènes sont efficaces, souvent cocasses, ets’enchaînent avec naturel. Le style est alerte, et l’humour, volontiersgrinçant, donne une certaine tenue à un récit où l’on n’a pas vraiment le tempsde s’ennuyer. L’auteur, qui a le sens de l’observation et de l’ellipse psychologique,nous donne à vivre avec empathie le quotidien un peu désemparé de cette femmedont les genoux plient sous le poids des tracas de l’existence, mais davantageencore de sa propre difficulté à s’accepter et de son impuissance à apurer sarelation avec le père. Ne manque donc aucun élément pour donner à cettehistoire tous les attributs d’une petite comédie dramatique très réussie. Maisvoilà : ce n’est que divertissant. Cela tient sans doute au ton, spirituelet doux-amer, qui a le mérite de rendre la lecture stimulante, voirefranchement roborative, mais dont l’inconvénient est d’enfermer le récit dansce registre. Cela tient enfin au style, vif, aux franges parfois de l’oralité,mais dont on aurait aimé qu’il s’aventure sur des chemins un peu moins convenus.On lira donc ce roman en souriant tout du long, ce qui est agréable, mais sansêtre profondément saisi, le rythme et la vitalité du récit affectant sespossibilités d’ancrage. Moyennant quoi, on referme La réconciliation avec un sentiment de satisfaction immédiate,celle d’avoir lu une bonne histoire, contemporaine, réaliste, non sans charmeni profondeur, mais en sachant bien qu’on l’aura sitôt oubliée. 
Critique parue dans Le Magazine des Livres, n° 13, décembre 2008

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