" Tout se mêle et s'accorde, se prolonge puis se dissipe en un concert d'images et de sons. Nos regards s'habituent à l'ombre qui adoucit - l'eau omniprésente coule en mouvement si lent qu'elle nous apaise. "
Grâce à l'eau, les éléments sont réunis - la ville, la lumière, la nature, le sujet - ils fondent le même instant et portent le même éclat. On ressent une complète sensation d'exister. Tout vibre dans ce paysage : le corps, les arbres, les animaux, les pierres... On peut rester des heures assis au bord de l'eau à contempler les pierres, des feux follets sur les murs, des esquisses fugitives sur les marches de marbre, à jouir de cette vacuité calme, patiente, qui nous est accordée.
Rien n'est fixe, l'énigme est sans demeure. Les routes du rêve rencontrent parfois un objet sur l'onde, souvent ne rencontrent rien, et dans la fuite des apparences nos pensées deviennent plus aériennes, plus impersonnelles. Entre le rêve et la vie éveillée, serais-je celui qui rêve, celui qui est là ? ...
L'eau, à Venise, dérange nos certitudes, attise le sentiment de l'exil. Peut-être les choses alentour nous demandent-elles de témoigner de leur présence et de leur effacement ; peut-être notre regard a-t-il fait advenir cet espace entièrement reconstruit offrant au monde la vision qui lui manque, mais demeure cet appel vers autrui, ce désir sans besoin vers un autre visage s'étendant comme une ombre en écho fermé du monde.
©Textes de Bernard Neau Venise, miroir des Signes