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L'héritage Dickens

Par Anne Onyme

heritageDickensLouis Bayard
Éditions Cherche Midi
388 pages

Résumé:

Enfant malade, Tim Cratchit est devenu célèbre bien malgré lui. Il a en effet été l'un des personnages principaux du roman de Charles Dickens, Un conte de Noël. C'était lui, le jeune Tiny Tim, qui réussissait à émouvoir le héros du livre, Ebenezer Scrooge, et devenait ainsi l'instrument de sa rédemption. En 1860, une vingtaine d'années plus tard, Tim a bien changé. Lassé de l'image d'Épinal qui lui a trop longtemps colléà la peau, il vit désormais dans un bordel des bas-fonds de Londres, où, en échange du gîte et du couvert, il apprend à lire et àécrire à la tenancière. Il lui arrive également de sillonner la Tamise sur le bateau du capitaine Gully pour récupérer les cadavres qui y flottent. C'est ainsi qu'il repêche un jour le corps d'une petite fille, marqué d'une lettre mystérieuse. Quelques jours plus tard, une autre enfant est retrouvée assassinée, son corps marqué de la même façon. Qui s'en prend ainsi aux petites filles perdues des bas-fonds de Londres ? C'est le début d'une enquête passionnante pour Tim, qui va le mener dans les beaux quartiers de la ville, là où tout s'achète et se monnaye. Pris dans un réseau de mensonges, de meurtres et de manipulations, ce qu'il va découvrir dépassera tout ce qu'il a pu imaginer.

Mon commentaire:

Un chant de Noël de Dickens est une de mes histoires favorites. Je l'ai lu un grand nombre de fois, vu plusieurs adaptations au cinéma et j'y reviens toujours. J'ai donc tout de suite été attirée par ce roman de Louis Bayard, qui reprend le personnage de Tiny Tim. J'aime ces détournement de personnages ou ces romans qui reprennent des personnages classiques pour leur créer un autre destin.

Timothy Cratchit a maintenant 23 ans. Ses parents sont morts, mais il perçoit encore fréquemment le fantôme de son père qui lui apparaît à un coin de rue ou près d'un étal. Il lui écrit aussi. Des lettres qui ne trouvent pas vraiment de destinataire, mais que nous pouvons lire, insérées ici et là à travers le récit. Comme seule famille, il reste maintenant à Timothy son frère Peter qui a une boutique de photographie avec sa femme Annie. Les deux tiennent énormément à Tim. Il a aussi quelques frères et soeurs qui sont morts, ont disparus ou alors se sont exilés.

Ebenezer Scrooge, le vieil avare au coeur attendri par la condition de Tim dans le roman de Dickens, est toujours vivant. Les matinées sont difficiles pour le vieil homme qui subit le passage du temps, mais la fête de Noël réussit toujours à lui redonner l'énergie de sa jeunesse. Le roman se déroule d'ailleurs à l'approche du temps des Fêtes. La relation que Tim entretient avec lui est ambiguë. Il lui doit beaucoup, la guérison, les médecins, l'études, mais n'aime pas toujours utiliser son argent. C'est l'une des raisons pour lesquelles il erre dans les rues mal famées de Londres au début du roman. Il n'a nul part où aller, traîne dans les bas-fonds et atterri dans un lupanar, où il donne des leçons de lecture à la propriétaire.

Par moments, je trouvais le personnage de Tim assez dur envers son entourage, mais la vie qu'il s'est choisi l'est tout autant. Au fil du roman il laisse entrevoir des bribes de sensibilité. Il se livre peu à peu, que ce soit à travers l'aventure qu'il raconte ou les lettres à son père. Tim est devenu un homme, il a laissé derrière lui le petit Tiny Tim plein de reconnaissance, pour faire place à un être un peu mélangé, qui ne sait pas du tout ce qu'il accomplira dans un futur proche. Il se cherche, ne cadre pas totalement avec la vie qu'il mène.

Son choix de vivre dans les bas-fonds de Londres l'amène à s'intéresser à une fillette qu'il voit partout, à poser des questions sur une mystérieuse marque au fer, à Colin un gamin des rues et à Philomela, qui l'entraîne dans une aventure dangereuse. Si c'est d'abord la curiosité qui pousse Tim à s'embarquer dans cette sombre affaire sur les traces de Philomela, c'est sa sensibilité qui le conduira à enquêter sur ce qui se passe dans certaines maisons londonniennes, caché sous le sceau de la respectabilité et de la noblesse.

L'auteur nous amène dans les bas-fonds de Londres. La description des pauvres gens, le mode de vie des habitants des lieux mal famés, le manque d'instruction qui conduit à différents "métiers" peu honorables, la différence des classes sociales et ce que l'argent peut acheter dans un Londres corrompu jusqu'à la moelle, est justement rendu par Louis Bayard. Nous y sommes et on imagine sans peine les lieux de débauche, la Tamise et ses pêcheurs de cadavres, l'odeur des rues sales et pleines d'immondices, le statut si peu enviable des enfants pauvres qui sont traités comme de la marchandise bon marché par des bourgeois sans scrupule...

Un roman que j'ai lu avec beaucoup de plaisir, qui a su me garder en haleine à certains moments, alors qu'à d'autres, il m'a offert une plongée dans un univers social bien difficile que celui du Londres victorien des bas-fonds. J'ai aimé ce voyage sur les pas d'un personnage que j'aime beaucoup, Timothy, en plus de retrouver avec plaisir Scrooge. Je trouve également que l'auteur a su créer des personnages très intéressants et leur donner vie d'une façon qui nous enveloppe totalement.

Un très bon roman, qui nous offre une belle reconstitution de l'époque et de l'atmosphère qui pouvait habiter les rues de Londres. On trouve également plusieurs clins d'oeil à l'univers de Dickens, que ce soit par des noms ou des allusions. J'ai apprécié ces petits hommages que l'on retrouve tout au long du roman. Le titre, L'héritage Dickens, est tout à fait approprié, dans le sens où l'auteur livre un hommage à ce grand écrivain anglais. J'aime par contre beaucoup le titre anglais, Mr Timothy, et je me suis demandée pourquoi on ne l'avait pas gardé. Par contre, je dois avouer que je ne me serais peut-être pas intéressé à ce roman, sans la mention Dickens dans le titre.

J'ai maintenant très envie de lire autre chose de Louis Bayard, dont j'ai aimé la forme du roman. Je serais très curieuse de voir ce qu'il a fait avec Edgard Allan Poe dans son roman Un oeil bleu pâle.

L'héritage Dickens m'a fait passer un très bon moment. Si vous vous intéressez au Londres victorien, en particulier lcelui des bas-fonds, je vous le suggère.

Un extrait:

"Juste retour des choses qu'en te portant moi-même je me sois rendu compte que tu étais bien plus grand que moi. Oui, père, assez grand pour me promener dans toute la ville sans te soucier de ton bien-être. Assez grand pour te priver afin que ta famille ne souffre pas de la faim. Assez grand pour sourire quand plus rien n'était drôle. Assez grand pour passer ta vie à griffonner des chiffres dans une pièce étroite, pleine de courants d'air, au service d'un individu versatile et autoritaire, afin que tes enfants puissent aspirer à mieux. Il y a une chose que tu n'as pas devinée: nous ne serions pas meilleurs que toi." p.312


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