Toute blogueuse littéraire, ou presque, a lu, lit ou lira ce court récit épistolaire de Jane Austen, la bien aimée. Qui ne le connaissait pas encore? Moi, mais je rattrape mon retard grâce au Blogoclub qui me l’a vivement suggéré malgré mon envie de relire «Les liaisons dangereuses». Tant mieux! C’était une lecture des plus agréables. Lady Susan, je l’ai sentie comme très moderne. Je crois qu’elle aurait adoré vivre en ce moment. Elle ferait une parfaite cougar. N’est-elle pas veuve, spirituelle, jolie, séduisante et séductrice, coquette, parfaitement immorale, égoïste, sans cœur, pas maternelle pour un sou, dénuée de scrupules, vaniteuse mais surtout hypocrite et menteuse. Une femme effrontée et dangereuse en somme qui ne craint rien ni personne si ce n’est le qu’en dira-t-on parce que, pour son malheur, elle vit au mauvais moment dans un mauvais endroit, l’Angleterre des années 1800 où il est préférable de se montrer une personne respectable plutôt qu 'une femme libre. Respectable, sincère, malheureuse, tendre, jolie dans le genre émouvant/attendrissant, voilà , à l'opposé, le portrait de sa fille Frederica d'où viendra son désappointement dans la mésaventure racontée dans ces échanges de lettres entre elle et son amie Alicia qui lui ressemble. (on ne peut quand même pas parler de malheur ici!) Son but, c'est de se remarier à un homme riche car elle est sans un sou. Elle poursuit plusieurs lièvres à la fois, jeunes de préférence, des bon partis uniquement. Elle chasse où elle peut, fût-il comme son amant actuel, le mari d'une de ses amies qui l'a accueillie chez elle à son veuvage. Sa stratégie? S'introduire dans une bonne famille, séduire qui peut l'être et tant pis si les femmes ne sont pas dupes, du moment que l'homme qu'elle a choisi tombe dans ses filets. Sincère, elle ne l'est que dans ses lettres à son amie Alicia, Mme Johnson. Ce sont les plus intéressantes. Grâce à elles on apprend ses véritables désirs et on devine l'avancée des pièces sur l'échiquier du grand jeu qu'elle a mis en place. Les autres lettres sont celles de la rumeur, celles qui colportent les nouvelles la concernant, celles écrites par son entourage, des lettres de mères, de sœurs, de parents apeurés qui se mettent en garde mutuellement contre cette intrigante. Parfois les hommes courtisés ouvrent les yeux puis les referment très vite, si empressés d'être rassurés par ses manigances.C'est que lady Susan a l'âme stratégique. De nos jours, elle ferait une excellente chef d'entreprise! Elle prévoit loin. Elle aime diriger d'une main de fer dans un gant de velours. Je ne l'aime pas mais qu'importe, c'est elle qui a fait tout le sel de ma lecture. Sans elle, ce petit roman serait insipide. Jane Austen dont c'est la première œuvre écrite vers 18 ans, s'est-elle lassée de son personnage? Toujours est-il que la fin tourne court. Que pourrait être devenue Lady Susan?
Lady Susan, Jane Austen, traduit de l’anglais par Pierre Goubert (Folio 2€) Extrait des Œuvres romanesques complètes, I (Bibliothèque de la Pléiade)Pour voir les autres contributions, il faut aller au Blogoclub du 1er mars, chez Sylire et Lisa. + Challenge de Cynthia + challenge d'Anne pour l'Angleterre