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Textes de Marc & Venise – partie 1

Par Venise19 @VeniseLandry
Textes de Marc & Venise – partie 1Marc et moi tentons parfois notre chance en participant à des concours. Ce fut le cas dernièrement pour le concours membre du jury – Combat des livres, j’en ai parlé dans mon dernier vrac. Je devais participer au concours de l’émission « Apparences trompeuses », avec ses super beaux prix, et je ne l’ai finalement pas fait. Marc, oui. Nous avons su hier qu’il n’a pas été sélectionné.
Une histoire demande toujours à être lue, alors pourquoi ne pas le mettre en ligne au Passe-Mot, me suis-je dit. En plus, ça me donne l’occasion de vous dire qu'ils ont besoin de vous. Chacun des cinq finalistes ont gagné 500 $ en certificats-cadeaux Renaud-Bray et le grand gagnant parmi les textes finalistes empochera 3,000 $. Et comment vont-ils déterminer la meilleure histoire ? Par vos votes, messieurs dames ! Il y a donc 5 textes de 450 à 600 mots à lire sur le site de Radio-Canada. J'en ai parlé Chez Venise, les participants étaient invités à raconter une histoire de famille, réelle ou fictive. L'originalité du récit, la richesse de la narration et la qualité du français étaient les critères qui guidaient le jury dans leurs choix.
Alors, sans plus tarder, voici le texte de Marc Simard :
Les mangeoires
Un visage flottait sur l’eau et c’était celui de Claire. C’était celui de l’enfant qu’elle avait été, c’était celui de tous ceux qu’elle avait perdus. Les cieux étaient noirs, les étoiles aussi. Son gros ventre plein ressortait à la surface de l’eau comme une île blanche. La nage sur le dos serait bénéfique, lui avait assuré une dame. Les oreilles calées, les yeux ouverts sur le ciel, elle regarda Saturne au loin et se souvint de sa journée.
Elle avait nourri les oiseaux. Deux mangeoires, une pour les passereaux, une autre pour les corneilles et les geais. Elle adorait nourrir ces êtres, participer à leur envolée et à leur atterrissage. Chaque matin, elle remplissait de graines et de gras les petits réservoirs et observait le passage affairé de ses hôtes. Puis, ce matin, elle commença sa journée par de simples mais épuisantes tâches qui allaient l’occuper tout le jour. Des tâches de maison qui l’obligeraient à rester enfermée sans autre temps pour réfléchir. Son mari l’avait à l’œil. Il était marchand. Un bon marchand qui ne savait faire que cela, tenir son dépanneur.
Il aimait Claire. Il l’avait toujours aimée. Cette femme était ce qui lui importait le plus au monde. Elle était un bien précieux qui lui procurait une jouissance rare. Pour cela et aussi parce qu’il la chérissait infiniment, il lui interdisait tant qu’il le pouvait ces élans qu’elle avait parfois de trop vouloir se lier d’amitié. Il la protégeait, se la réservait et allait, sans remords, jusqu’à la tenir à loin du monde. Et lorsque l’un des clients demandait à la voir, il amenait Claire comme l’on apporte un écrin, veillant bien à ce que la conversation qui s’engageait soit brève et anodine. Chacun estimait l’homme et peu faisait de cas de cette possessivité. Au contraire, les gens prenaient en exemple ce couple. Ils voyaient, dans cette passion, la manifestation d’un amour pur.
Depuis que Claire était enceinte, l’attitude du marchand s’était affutée. Plus question de tourmenter sa femme avec ces envies de la saluer ou de lui dire un bon mot. Non, il ferait lui-même les messages. Les gens comprenaient. Lui qui avait tant de fois tenté d’avoir un enfant, voilà que Claire était de nouveau pleine. Une sixième grossesse, s’ils savaient bien compter. D’accord, les autres fois, tout avait été de travers, mais celle-ci était la bonne. L’espoir reprenait ses droits. On verrait le minois de ce petit. Claire se laisserait enfin aller à sourire. Et leur marchand serait le plus heureux des pères.
Le visage de Claire flottait sur l’eau et son ventre se serrait de plus en plus. Elle avait passé la journée à astiquer ce plancher déjà si propre jusqu’à ce que la première douleur naisse. C’est ce que son mari lui avait toujours prescrit. Trente-neuf semaines, l’enfant était à point. Elle regarda Saturne qui scintillait et se souvint de cette mésange qui lui avait picoré le doigt ce matin. Et elle eut cette vision : elle était une mangeoire.
Ce monstre qu’elle aimait et qu’elle avait toujours aimé n’aurait pas à sortir l’enfant de ses entrailles cette fois. Puis il n’aurait pas à le tuer. Claire, qui ne s’aimait pas et ne s’était jamais aimée, n’aurait pas à le préparer, à le cuire et à le servir à son mari. Elle n’aurait plus à le regarder se délecter. L’ogre avait fini son œuvre.
Elle regarda Saturne et se laissa couler.
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à suivre : textes de Venise - Partie 2. (dans 2 jours !)

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