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Trois très beaux poèmes de Guy Goffette

Par Etcetera
Trois très beaux poèmes de Guy Goffette

photo de Guy Goffette

Comme beaucoup de poèmes contemporains que j’aime, ceux de Guy Goffette que je présente aujourd’hui posent la question “Pourquoi et comment vivre ?”

Ils constatent, méditent, s’interrogent, et parfois même apportent des réponses (par exemple sur la beauté).

Une chose qui me séduit et m’intéresse dans ces poèmes (et plus particulièrement dans le premier) c’est qu’ils expriment – de manière très poétique – des idées. Ce ne sont pas de simples évocations sensorielles, dont un grand nombre de poètes se contentent aujourd’hui. Ainsi, ils font mentir la phrase de Cocteau “La poésie cesse à l’idée. Toute idée la tue.” – une phrase que je n’aime pas car elle semble vouloir décérébrer les poètes et cantonner la poésie à des tableaux descriptifs.
Bien sûr, les idées exprimées par Guy Goffette sont entremêlées de nombreuses images et sensations, mais c’est bien l’idée qui mène le jeu, et en ce sens ces trois poèmes ont un esprit assez classique.

A la première lecture, et sans doute à cause de leur rythme inhabituel, ces poèmes paraissent très beaux mais un peu flous. Se détachent néanmoins quelques vers ou quelques mots d’une grande clarté (et parmi eux justement ceux qui sont les plus porteurs d’idées) : ceux-là captivent immédiatement l’attention et font ressentir le désir de relire l’ensemble une seconde fois.
Après trois ou quatre lectures, ces poèmes apparaissent dans toute leur cohérence.

Quant à la forme, elle est à première vue classique : l’organisation en quatrains et la présence d’une césure à chaque vers n’est pas vraiment courante dans la poésie contemporaine. Pourtant, le rythme est plein de surprises : alternance de vers pairs et impairs, césure qui ne tombe presque jamais au milieu du vers, très nombreux enjambements … tout cela contribue à donner une impression haletante, inquiète, et aussi très vivante.

Ces poèmes, en dépeignant les côtés frustrants de la vie : ses répétitions, ses manques, ses quêtes jamais satisfaisantes, ses contraintes, donnent certainement, comme je l’ai lu, un sentiment de mélancolie, mais il me semble que le sentiment qui domine finalement est le désir de vivre et de trouver une autre voie.

I

Je me disais aussi : vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l’amour, et de l’usure – ce que nous faisons
du matin à la nuit : fendre la mer,

fendre le ciel, la terre, tour à tour oiseau,
poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l’air,
l’eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, allant vers, récoltant

quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les blés
puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n’est jamais pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,

qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose.

VII

Si j’ai cherché – ai-je rien fait d’autre ? -
ce fut comme on descend une rue en pente
ou parce que tout à coup les oiseaux
ne chantaient plus. Ce trou dans l’air,

entre les arbres, mon souffle ni mes yeux
ne l’ont comblé – et je criai souvent
au milieu des herbes, mais je n’attendais
rien, je me disais : voilà,

je suis au monde, le ciel est bleu, nuages
les nuages et qu’importe le cri sourd des pommes
sur la terre dure : la beauté c’est que tout
va disparaître et que, le sachant,

tout n’en continue pas moins de flâner.

X

Je me disais : il faut encore, il faut -
et les mots couraient devant moi, reniflaient
la route, le ciel, les fougères, le ventre
mal boutonné des collines

puis revenaient, me rapportant un bout de peau
calcinée, un fragment d’os : cette vieille
et toujours lancinante question
du pourquoi ici, moi, pourquoi ?

- aller venir attendre comme le préposé
aux départs, qui ouvre et ferme l’horizon,
attendre l’ultime voyageur
avant de retourner l’ardoise, d’écrire :

fermé pour cause de paresse.

Vous pouvez retrouver ces trois poèmes ainsi que sept autres du même auteur (intitulés Un peu d’or dans la boue) dans l’anthologie parue chez Poésie/Gallimard Orphée Studio, Poésie d’aujourd’hui à voix haute.



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