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Salle 5 - vitrine 4 ² : les peintures du mastaba de metchetchi - 24. des différentes techniques pour sacrifier un oryx

Publié le 03 mars 2012 par Rl1948

     L'ennemi de l'oeil est massacré devant toi, et je répands son sang à terre.

Inscription du temple d'Edfou.

dans Philippe DERCHAIN

  Le sacrifice de l'oryx

Rites égyptiens I

Bruxelles, F.E.R.E., 1962

p. 40

   Ce mardi, dans le cadre de notre conversation à propos des animaux du désert proposés en guise d'offrande à Metchetchi peints sur quelques-uns des quarante-trois fragments que nous ne cessons d'admirer dans la vitrine 4 ² de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, j'ai évoqué pour vous la raison essentielle de cette capture apparue dès les prémices de la civilisation des rives du Nil, à savoir : le primordial besoin de nourriture.

     Si nous délaissions un instant le mastaba de ce haut-fonctionnaire du temps d'Ounas, dernier souverain de la Vème dynastie, nous constaterions qu'à plus grande échelle, cette nécessité atavique se traduit également sur les parois de l'un ou l'autre temple qu'il vous a peut-être été donné de déjà visiter. Ainsi celui de Ramsès II en Abydos.

Oryx-et-gibier---Offrandes--Abydos-Temple-Sethi-Ier---Kair.jpg

   En effet, sur le côté nord-ouest du mur sud du portique s'ouvre une chapelle dédiée à Osiris - définie par la lettre H sur les plans dressés par les égyptologues qui ont scientifiquement exploré les lieux -, dans laquelle une scène gravée en relief dans le creux, puis peinte, nous montre le souverain faisant offrande à la déesse Hathor. Et devant lui, près du meuble supportant un monceau de vivres, ont été rangées différentes offrandes animales, - dont au moins un oryx -, le plus souvent ligotées quand ce n'est pas, pour les dernières, bizarrement étêtées.

   Il est donc incontestable que le défilé devant un défunt d'oryx vivants, parmi d'autres congénères d'ailleurs, comme nous l'avons vu en début de semaine chez Metchetchi, puis leur immolation, ressortissaient essentiellement au domaine de l'offrande alimentaire.

   Quant au sens rituel que ce geste meurtrier acquit à partir du Nouvel Empire - apparemment pour la première fois dans le temple d'Amenhotep III, à Louxor -, il relève d'une symbolique religieuse bien particulière dans laquelle certains textes funéraires le cantonnent et qu'il m'agréera de vous expliquer lors d'une prochaine rencontre. 

   Car pour l'heure, - le hasard du calendrier et non une volonté délibérée ayant fait que j'entame ce mois dédié jadis à la guerre par les Romains, partant, à la violence -, c'est des méthodes d'abattage que je voudrais vous entretenir en répondant à une question simple : comment l'animal fut-il sacrifié ?

   Pour une première approche, c'est-à-nouveau dans la tombe de Ty, remarquablement étudiée par Thierry Benderitter sur son site OsirisNet que je vous convie de m'accompagner, notamment devant la partie droite du deuxième registre de la paroi sud de sa chapelle funéraire.

Mastaba de Ty - Chapelle - Sacrifice animaux du désert

   Apparaissent là bouquetins et oryx renversés et maintenus au sol, pattes postérieures entravées de manière que les bouchers et leurs aides puissent les saigner en leur tranchant le cou avec un couteau de silex, avant de s'affairer à les dépecer. Et comme souvent dans ce type de scène ne nous sont épargnés ni l'arrachage du coeur en insérant la main dans la poitrine ni la découpe de la patte antérieure droite, le khépech, considérée comme morceau de choix.

   S'ensuivra l'ablation complète de la tête qui, à l'instar de celle du veau, constituait un mets apprécié.

   Pour ceux d'entre vous qui lisent couramment l'écriture hiéroglyphique ou d'autres que ces signes intrigueraient, le site OsirisNet - (Merci Thierry !) - donne à voir une reconstitution au trait, assortie d'une traduction.

Mastaba-de-Ty---Mur-sud-de-la-chapelle.jpg

   Le numéro 1 est attribué à l'idéogramme personnifiant le boucher : il s'agit en réalité du même dessin que celui qui identifie la pierre à aiguiser munie d'une boucle permettant sa fixation à la ceinture du pagne ; le 6, concerne le serviteur du Ka quittant l'abattoir, la patte antérieure droite sur l'épaule ; les 8 et 11, l'action de dépecer l'oryx par le boucher ... 

   Entre les deux, vous aurez remarqué un personnage semblable à celui déjà rencontré chez Metchetchi : un serviteur portant un vase, plus que vraisemblablement le sang recueilli ...

   Par la suite, ce sacrifice deviendra un rite qui se déclinera selon trois méthodes bien distinctes qu'a relevées l'égyptologue belge d'origine verviétoise Philippe Derchain : les deux premières, essentiellement "décrites" dans les temples d'Edfou et de Denderah, la dernière dans celui de Philae.

   Alors que, nous venons de le voir, dans les mastabas d'Ancien Empire, le boucher se faisait aider par l'un ou l'autre apprenti, quand l'abattage de l'oryx devint un rite officiel se dégageant des contingences alimentaires, un seul "sacrificateur" égorgeait puis décapitait l'animal en le maîtrisant par les cornes sur un autel ou une table, de manière à le contraindre à avoir la tête en arrière.

   Une autre technique réquérait un être doté d'une vigueur exceptionnelle dans la mesure où, sans trembler, cet homme agrippait les cornes de la main gauche, obligeant la bête à rester en équilibre sur ses pattes postérieures, quasiment à la verticale, puis, de sa main libre, lui enfonçait le couteau sacrificateur dans le corps.

     Au registre supérieur de la paroi nord de la salle dite "de la naissance" dans son temple de Louxor, ce procédé est prêté à l'époux de la reine Tiy, le très sthénique Amenhotep III réputé avoir rapporté quelque 102 lions, évidemment terrifiants - (voire même 110, selon d'autres sources "officielles" fleurant bon la propagande) - qu'il aurait ainsi occis de ses propres flèches dans la force de l'âge des 10 premières années de son règne.

   Quant à la troisième des méthodes auxquelles l'iconographie égyptienne fait allusion, c'est donc à Philae que vous pouvez la trouver, notamment sur le second pylone du temple d'Isis : le roi Ptolémée XII Neos Dionysos y terrasse d'un magistral coup de lance transperçant le dos un oryx couché par terre.

   Dans ces trois cas de figure, le sang se devait d'être copieusement répandu sur le sol aux fins d'assurer le bon respect du cérémonial. 

     Mais qu'avait-elle donc bien pu faire, cette si belle gazelle blanche, pour mériter un sort aussi peu enviable ?

   Autorisez-moi, amis lecteurs, à développer ce point lors d'une nouvelle rencontre que je vous fixe le 6 mars prochain. 

    

   A mardi ?

(Derchain : 1962, passim ; Montet : 1925, 158


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