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Quand la Défense défend…l’environnement

Par Theatrum Belli @TheatrumBelli

Dans la région du grand Galibier au beau milieu des Alpes existe une communauté d’intérêt pouvant paraître surprenante entre le ministère de la Défense et les milieux écologistes : la présence d’un champ de tir militaire rend impossible toute prédation humaine et permet ainsi de protéger une rare variété de truite de torrent.

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Même si la vocation de la Défense n’est a priori pas la protection de l’environnement, ce cas est loin d’être isolé : 200 hectares inutilisés de prairies du marais de la Beaune, dans une boucle de la Charente, viennent également d’être rétrocédés au conservatoire du littoral. L’ancienne emprise militaire sera désormais administrée par la ligue de protection des oiseaux (LPO). "Quand la grande muette parle de biodiversité, on écoute", a commenté à  cette occasion Alain Bougrain-Dubourg, le président de la LPO. 

Depuis 2007, le ministère de la Défense a pris à son compte le "Grenelle de l’environnement" en le déclinant en un "Brienne de l’environnement", dotant le ministère d’un plan d’action couvrant tous les sujets environnementaux. Occupant des espaces naturels très étendus, exploitant des installations classées pour la protection de l'environnement et gérant le parc immobilier le plus vaste de France, le ministère de la Défense se doit en effet d’avoir une responsabilité affirmée dans le domaine de l'environnement. Plus particulièrement, les 250.000 hectares de terrains militaires d'entraînement (terrains de manœuvres, champs de tirs, etc.) d'accès réglementés, préservés de l'urbanisation et des pesticides agricoles, présentent bien souvent une richesse faunistique et floristique remarquable. Parmi les zones les plus sensibles, 600 hectares de côtes ont déjà été cédés au Conservatoire du littoral, et plusieurs dizaines de dossiers sont en cours de traitement. Vingt pour cent de ces terrains parmi lesquels figurent notamment les camps de la Valbonne, de Canjuers, de Captieux et de Montmorillon sont d’ores et déjà classés Natura 2000 et appartiennent donc à ce réseau de sites écologiques dont les deux objectifs sont de préserver la diversité biologique et de valoriser le patrimoine naturel de nos territoires. Et dire que les mouvements écologistes ont soutenu la lutte contre l’extension du camp du Larzac !  


Avec la convention nationale du 3 septembre 2009 ayant réuni le ministre de la Défense et le président de la Fédération des conservatoires des espaces naturels (FCEN), douze nouvelles conventions de partenariat écologique ont été conclues. Ces conventions ont pour but de développer une politique de coopération entre les camps militaires et les conservatoires. Dans ce cadre, la FCEN réalise des inventaires afin de déterminer les terrains à privilégier puis conseille, propose et met en œuvre des actions de prévention. Débroussaillage, restauration de biotopes ou réintroduction du pastoralisme permettent ainsi de mettre en œuvre des actions en faveur de la préservation de la biodiversité. 

Dans la continuité de ces accords et dans le cadre des engagements de l'Etat au titre de la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, des ateliers sont régulièrement organisés afin de dresser un bilan de ces conventions de partenariat. Les ateliers de juin 2011 à l’Ecole militaire ont ainsi réuni aux côtés du ministère de la Défense une quarantaine de participants issus du ministère de l'Ecologie, de la FCEN, de l'Office national des forêts (ONF) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). 

Au résultat, de nos jours, les conservatoires interviennent sur 24 emprises militaires représentant 66.000 hectares. Quatre camps de l'armée de Terre, sept bases aériennes ainsi que la zone militaire de la réserve naturelle des Coussouls-de-Crau dans les Bouches-du-Rhône sont ainsi concernés par ces mesures de protection. 

Au-delà de la seule préservation de la biodiversité, le plan d’action environnemental du ministère de la Défense poursuit des objectifs plus larges, en premier lieu dans le domaine de la conception et de l’exploitation des équipements de défense : 31 programmes d'armement éco-conçus sont actuellement conduits, parmi lesquels le programme A400M (limitation des rejets de CO2 et traçabilité des substances dangereuses notamment) ou le programme Frégate multi missions (FREMM), en intégrant à bord des navires des systèmes d’épuration biologique des eaux usées et de réduction en volume des déchets solides. 

Ces évolutions techniques participent aussi directement à l'amélioration des équipements en leur conférant davantage d'autonomie, en rationalisant leur consommation d'énergie et en anticipant sur leur gestion en fin de vie. Sur ce dernier point particulièrement sensible, le démantèlement est également pris en compte dans un respect croissant pour l'environnement : en 2009, la conférence du cycle Défense et environnement avait recensé 170 coques de navires, 800 aéronefs, 27.000 missiles et autres roquettes, 95.000 tonnes de véhicules, des milliers de tonnes d’équipements électroniques, au total 270.000 tonnes de matériel militaire à démanteler et recycler à l’échéance de l’année 2015, pour un coût estimé entre 90 et 160 millions d’euros. 

Enfin, le ministère de la Défense bonifie la gestion de ses infrastructures en s’engageant notamment dans un programme d'optimisation énergétique par le biais des énergies renouvelables. Sur le camp de La Courtine dans la Creuse par exemple, une nouvelle chaufferie bois utilisant des plaquettes forestières sera mise en service fin 2011 pour alimenter de façon autonome la totalité du camp, soit plus de 55.000 m² de bâtiments. 

Afin d’assurer un suivi de son plan d’action et d’en donner des garanties, le ministère de la Défense s'est engagé chaque année à produire un rapport sur le développement durable présentant l'impact économique, social et environnemental de ses activités. 

Ainsi, dans un monde en rupture d’équilibre environnemental, l’exemple français est symptomatique de la naissance d’une réflexion approfondie sur l’impact des activités de défense. De là, cet impact peut être élargi aux conséquences même de la guerre sur l’environnement. Au début des années 90, les pays du Golfe avaient connu une dramatique marée noire due à la première guerre d’Irak, et la Méditerranée en 2006 avait également éprouvé ce type de pollution à la suite du conflit libanais. 

Devant la naissance d’une nouvelle et légitime sensibilité écologique, le droit de l’environnement risque de fait de pleinement gagner sa place dans la réflexion stratégique. Il est ainsi plus que probable – et même souhaitable, car cela risque de devenir une question de survie – que les décideurs aient désormais à choisir entre l’atteinte complète des objectifs politiques et militaires voulus, et la réalisation d’un effet final qui ne serait que partiel car ayant pris en considération les contraintes environnementales.  

Chef de bataillon Olivier BAUER

Ecole de guerre - promotion maréchal Juin

Le chef de bataillon Olivier BAUER est Saint-Cyrien de la promotion de la France Combattante (1997-2000). Officier des Troupes de Marine, il a notamment servi au 3e RIMa et à Djibouti en tant que coopérant militaire. Après 2 ans passés au Commandement des forces terrestres, il est depuis septembre 2011 officier-stagiaire à l’Ecole de guerre.


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