Cyber-entretien(*) avec Krista Jónsson, animatrice des communautés éphémères touristiques, Islande
Bonjour Krista, pouvez-vous nous décrire votre activité
Bien sûr. Depuis 3 ans on m’a demandé d’animer une nouvelle forme d’approche touristique, les communautés éphémères de touristes étrangers. Ils viennent très nombreux chaque année et passent de une à deux semaines sur notre territoire. L’objectif est de leur permettre de tirer un profit maximum du temps qu’ils vont passer avec nous. Et pour cela nous avons eu l’idée d’utiliser un peu différemment les réseaux sociaux.
D’où est venue cette idée ?
Des contraintes et d’une intuition forte. Comme vous le savez certainement notre pays n’est pas au mieux de sa forme sur le plan financier et économique. D’où de nombreuses coupes budgétaires, et dans notre domaine ce sont les lieux d’accueil physique qui ont été visés. En effet leur ratio d’utilisation était objectivement faible face aux populations globales de touristes qui nous visitent, et les couts fixes en étaient assez élevés. D’où l’idée qui s’est imposée de réduire leur nombre et de les remplacer par une animation en ligne. L’intuition forte était que les réseaux sociaux étaient d’une puissance incroyable si on focalisait leur ambition. Et nous avons eu l’idée de les focaliser sur les personnes qui étaient en même temps sur notre territoire. D’où la notion de tribus éphémères.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Dès que des visiteurs s’inscrivent sur un parcours dans notre pays, nous les contactons. Nous avons bien entendu pour cela dû agir auprès de tous les acteurs touristiques pour qu’ils comprennent l’intérêt de partager ces données avec nous le plus tôt possible. Nous proposons aux futurs visiteurs de s’inscrire tout de suite dans un groupe privé Facebook qui correspond aux touristes qui visiteront notre pays à une date donnée. Il y a un groupe par semaine qui est programmé pendant la période de fort afflux. Chaque groupe va avoir une durée de vie de 4 semaines. Il couvre ainsi le «juste avant» de la visite et le «un peu après». Ainsi nos futurs visiteurs se retrouvent dans un espace privé où ne se retrouvent que des personnes qui visiteront ensemble notre petit pays.
Et que faites-vous avant qu’ils n’arrivent ?
Nous les interrogeons, nous les informons, nous les formons. Nous les aidons ainsi à se préparer à leur venue et à se donner toutes les chances de réussir leur séjour. Nous leur proposons un certain nombre de questionnaires qui permettent de comprendre les grands centres d’intérêt du groupe à venir, d’en appréhender les attentes et motivations. Il faut bien reconnaître qu’il se dégage bien souvent un très gros consensus autour des attentes. Puis nous nous présentons et nous leur expliquons comment bien préparer et réussir un séjour en Islande. Nous utilisons beaucoup la vidéo car c’est plus direct et chaleureux et nous avons eu recours au service dotsub.com pour gérer les différentes langues. Nous établissons ainsi une relation plus intime avec nos futurs visiteurs. Et nous diffusons aussi dans cette communauté privée de petits contenus pédagogiques pour former à la langue et à la culture. Des petits contenus réguliers qui permettent d’apprendre par petit bout. Une méthode pédagogique qui s’avère plus digeste et réaliste. Et ainsi, lorsque la «glace est rompue» nous leur proposons de se présenter en quelques mots et images.
Pourquoi ?
Toute l’opération repose sur le fait que nous devons inciter les futurs visiteurs à se connaitre, à se croiser et à entreprendre des actions ensemble. D’où l’idée de tribu éphémère ! Le hasard fait qu’ils se trouvent au même endroit en même temps. Nous agissons comme un accélérateur relationnel. Et pour une fois la technologie aide les gens qui se trouvent au même endroit à se rencontrer . Comme pour les sites de rencontres mais avec une autre finalité ! Une belle façon de ne pas être isolé sans pour autant voyager en troupeau. Les gens ayant peu à peu découvert les enjeux par notre action et les personnes par les échanges d’avant-séjour il leur est plus aisé de se retrouver physiquement sur le terrain. C’est dans cet esprit que nous avons opté pour une communauté privée. Nous voulons créer de l’intimité et non faire du réseau social un lieu ouvert à tous les vents. C’est le prix à payer si on veut créer un climat de confiance et de convivialité.
Que faites-vous alors lorsqu’ils arrivent ?
Tout d’abord je fais tout mon possible pour être présente à leur arrivée et me présenter physiquement. C’est pour cela que mon bureau est situé dans les locaux de l’aéroport international. Ce qui est étonnant c’est l’intimité rapide qui existe entre nous dès que je me présente. Ils me reconnaissent car ils m’ont déjà vue plusieurs fois en vidéo, et je suis la seule islandaise qu’ils connaissent au moment de leur arrivée ! Pour ceux qui seraient passés au travers du filet nous avons un grand panneau dans l’aérogare pour les inviter à rejoindre la tribu éphémère de la période qui s’amorce. Je voudrais d’ailleurs préciser ici qu’il nous a fallu régler un certain nombre d’aspects matériels et techniques. Tous les lieux étapes et tous les lieux fortement fréquentés ont été doté d’un accès wifi privé gratuit qui leur permet avec une seule identification à l’arrivée de profiter de tout le réseau. Ce réseau n’est accessible qu’aux participants aux «tribus éphémères». De plus nous avons souhaité élargir le nombre de participants dans chaque famille, d’où la création d’un service de location d’iPod touch et d’iPad proposé par les loueurs de voitures. En moyenne chaque famille en visite loue au moins un terminal de plus. Et c’est alors que peut commencer la période la plus passionnante de la vie de la «tribu».
Par exemple...
Chaque jour je les informe de ce qui se passe d’intéressant dans les grands lieux de visite. Animations, initiatives locales et commerciales sont relayées. Et des apéros-tribus sont organisés chaque fin de journée par des correspondants sur différents lieux. Mais le plus intéressant c’est ce que les participants publient chaque jour. La priorité est donnée à la photo car comme vous le savez nous avons la chance d’avoir une nature particulièrement photogénique. Les photos et vidéos permettent de croiser les regards et peut-être même de voir par les yeux des autres des choses que l’on a soi-même pas remarquées. Cela permet de créer une photothèque pour chaque tribu qui est un vrai trésor. Et en plus c’est du non-verbal donc très adapté à l’interculturel. Nous avons aussi des approches de géolocalisation qui permettent aux personnes de savoir qui elles peuvent retrouver à l’étape suivante. Les gens se communiquent aussi conseils et recommandations. Une bonne façon de pousser vers le haut les acteurs touristiques les plus avenants. Il est d’ailleurs important noter que ceci a eu une grande influence sur l’amélioration des comportement de nos acteurs, car ils savent tout ce qu’ils ont à y gagner ...ou à y perdre ! Chaque visiteur peut proposer des activités aux autres. Une forme de bourse aux idées que nous accompagnons qui permet aux gens de se retrouver autour d’une initiative qui a encore plus de sens si elle est partagée.
Comment tout ceci est perçu par vos visiteurs
Ils découvrent bien souvent un aspect qu’ils connaissaient mal des réseaux sociaux. Les lieux complices et privés. Beaucoup d’amitiés se nouent. De nombreuses se poursuivent au delà du séjour. Finalement les gens sont tous un peu timides et la technologie joue ici un rôle «d’entremetteur sérendipitaire»(**). Quand on analyse les flux l’essentiel de l’animation se fait entre pairs. Je ne fais qu’un travail d’amorçage relationnel. Nos visiteurs deviennent vite des animateurs touristiques ! Ils partagent leurs attentes, leurs enthousiasmes, leurs découvertes. Ils se sentent rassurés par cette présence sans se sentir encombrés ou contraints.
Et que se passe-t-il après
Outre ce qui se passe entre les personnes de façon privée, nous leur proposons de se joindre à la fan page de notre action afin d’y déposer quelques contenus et de se tenir au courant de ce qui se passe dans notre beau pays. Et nous constatons que beaucoup de nos visiteurs y invitent leurs familles et amis. Ce qui bien entendu fait tourner la machine !
Votre plus grosse satisfaction ?
Au travers du regard des visiteurs je redécouvre tous les jours de nouveaux aspects de mon propre pays et surtout j’ai le sentiment de faire quelque chose qui rapproche les gens et leur permet de profiter pleinement de toutes les ressources touristiques de notre territoire.
Merci
(*) cyber-entretien : entretien qui aurait très bien pu être réel et qui ne recourt qu’à des technologies actuellement à notre disposition ;-)
(**) sérendipité: se dit de choses formidables que l’on trouve par hasard alors que l’on cherchait autre chose.
PS: ce sujet étant très vaste, vous pouvez continuer ce cyber-entretien en posant vos questions à Krista dans les commentaires. Il y sera répondu le plus vite possible entre deux arrivées à l’aéroport.